Le numéro 66 sur le dos rouge, le visage d’un gamin à Noël, Alexander-Arnold porte bien son premier trophée dans la chaleur d’un Wanda Metropolitano vibrant sous le victorieux « You’ll Never Walk Alone ».
Une première Coupe aux grandes oreilles à seulement 20 ans puis un record en devenant le plus jeune joueur de l’Histoire à disputer deux finales de Ligue des Champions de suite : le chouchou d’Anfield est sur un petit nuage depuis une année. Voici le portrait de la référence mondiale au poste de latéral droit.
Le latéral moderne par excellence
Dans un football moderne où la polyvalence est de plus en plus recherchée au niveau des postes défensifs (rapide, bon relanceur, intelligent), l’arrière latéral n’est plus considéré comme un unique défenseur de couloir mais bien comme une nouvelle solution offensive dans les équipes du sommet mondial. Ils doivent certes, être capable de bien défendre en un contre un mais aussi d’attaquer correctement, et d’avoir une palette technique semblable à un bon milieu de terrain, voire d’un ailier offensif. Marcelo, Alba, Walker pour ne citer qu’eux, sont des pièces à part entière de l’animation offensive dans leurs équipes respectives, tellement ils participent à la construction des actions
Si Guardiola aime faire rentrer ses latéraux dans le coeur du jeu comme des milieux de terrain, pour libérer les couloirs à Sterling ou Mahrez, Klopp lui, préfère laisser ses latéraux collés à la ligne de touche, afin de d’occuper la largeur du terrain quand Mané et Salah ont des profils qui tendent à repiquer dans l’axe. C’est là qu’on voit qu’Alexander-Arnold a tout d’un latéral moderne. Il arrive parfaitement à remplir ce double rôle d’attaquant-défenseur puis à répondre aux attentes de son coach.
Un profil si convoité par les grandes écuries européennes, tant il est difficile de trouver un joueur capable de proposer un bon niveau technique et une intelligence tactique élevée, en plus d’une excellente condition physique pour répéter les aller-retours sur 90 minutes. Une rareté qui fait logiquement exploser son prix : TransferMarkt l’évalue à une valeur de 80M d’euros, et il est inenvisageable de voir Liverpool le lâcher à ce prix.
Et Jürgen Klopp a bien compris qu’il possédait une pépite entre les mains. L’ayant lancé dans le grand bain a seulement 18 ans face à Tottenham en League Cup, le technicien allemand entretient une belle relation avec son jeune joueur : « Trent a un mélange d’éducation personnelle, d’éducation footballistique, de caractère, de compétences, de bonne mentalité et d’une bonne attitude et il est au top pour tout ça », glissait l’ex de Dortmund au Guardian. Une confiance affichée dans les médias qui se traduit nettement dans les données chiffrées. En effet, « Trent » a joué entièrement les dix premières journées de Premier League. L’année dernière, il avait également disputé 10 des 14 matches de Liverpool en Ligue des Champions. Des belles performances qui lui ont permis d’intégrer la liste des 30 nominés pour le Ballon d’Or France Football 2019. Pas mal pour quelqu’un qui a soufflé sa vingt-et-unième bougie en ce mois d’octobre.
Meneur de jeu excentré
« Avoir Trent, c’est comme avoir Kevin De Bruyne arrière droit ! » s’exclamait Jamie Carragher en direct à la télévision anglaise. Des centres mi-brossés, mi-coup de pied du droit, avec un ou deux pas d’élan, une trajectoire tendue plongeant a l’entrée des 5 mètres 50 ; c’est vrai qu’il y’a du De Bruyne dans le jeune scouser. Un pied droit magique, c’est bien ça la principale qualité d’Alexander-Arnold.
Capable de trouver la tête des petits gabarits que sont Mané et Firmino dans la surface dans presque n’importe quelle position, adroit pour centrer en retrait quand il arrive en bout de ligne, il est un véritable tireur d’élite dans son couloir droit. Le natif de Liverpool va même entrer dans les Guiness World Records pour avoir délivré 12 passes décisives en Premier League en 2018/2019, ce qui est le record pour un défenseur sur une seule saison. Autre atout et pas des moindres dans les grands rendez-vous, c’est sa précision sur phases arrêtées. D’une part sur corner comme celui joué rapidement à Anfield offrant la qualification aux Reds face à Barcelone en demi-finale de C1 ou d’autre part sur coup-franc direct, à l’image du ballon brossé terminant dans le petit filet du portier d’Hofffenheim lors de son premier match de Ligue des Champions, en août 2017. Un latéral aussi décisif, c’est assez rare pour le souligner.
Au-delà de son apport brut, « TAA » participe grandement aux phases offensives de Liverpool. Effectivement, à l’instar de son coéquipier situé de l’autre côté Andrew Robertson, il va toucher énormément de ballons en une partie (entre 80 et 120). Une particularité de l’animation Klopp qui privilégie un jeu porté sur les côtés, soutenu par des couloirs ultra-performants ; tandis que les milieux de terrain doivent être plus efficaces pendant les transitions attaque-défense pour aller contre-presser, et sur les transitions défense-attaque pour rapidement alerter les ailiers. Les créateurs ne se trouvent donc pas au milieu mais bien sur les ailes. Alexander-Arnold arrive ainsi à se muter en meneur en trouvant des passes en diagonale qui cassent les lignes à l’intérieur du jeu, ou en réussissant à écarter sur l’aile gauche, en abusant de transversales sur Robertson souvent libre à ce moment là. On peut enfin souligner sa bonne qualité de dribble, utile pour s’ouvrir une fenêtre de centre ou de passe.
Futur relayeur ?
En jouant au jeu des devinettes, on pourrait facilement confondre son profil à celui d’un milieu relayeur. Une excellente qualité de passe, une vista développée, des aptitudes physiques convaincantes : le prodige anglais a quasiment tout d’un milieu de terrain. S’il l’a occupé une fois avec Liverpool face à Stoke City en 2018, difficile de le voir régulièrement évoluer à ce poste sous Klopp.
En arrivant lancé et en ayant le jeu la plupart du temps face à lui, il apporte de l’explosivité dans son couloir, où au milieu il paraît plus compliqué du fait de la forte densité de joueurs dans cette zone. De plus, son apport offensif se verrait limité à cause d’une plus lourde responsabilité défensive. Entre autres, couvrir les ailes lorsque son latéral monte et parfaitement intégrer la notion de « défendre en attaquant » primordiale chez un milieu d’une équipe joueuse. Ce poste nécessite une grande maturité à l’échelle tactique, sur la compréhension et la lecture des situations de jeu : le milieu est bien-sûr le moteur du jeu.
Alors pourquoi pas dans un futur sans Klopp, avec entraîneur qui sentirait que le placement d’Alexander-Arnold au milieu serait plus bénéfique pour l’équipe que sur ce côté droit. On peut naturellement prendre l’exemple de Joshua Kimmich, à la base latéral droit, devenu un réel numéro 8 avec le Bayern grâce à l’influence de Pep Guardiola. Car pour l’actuel coach de Manchester City « Les meilleurs joueurs doivent évoluer au centre du terrain ».
Si son avenir semble déjà tout tracé, il ne faut pas oublier que ce gamin n’a que 21 ans. Symbole de la nouvelle génération anglaise aux côtés des Sancho et Foden, il possède une marge de progression encore énorme sur plusieurs aspects. Comment va t-il digérer l’après Klopp ? Voire l’après Liverpool, loin de son cocon depuis toujours ? Peut-il s’imposer en sélection ? Des interrogations évidentes pour un prospect mais presque non-inquiétantes. Alexander-Arnold n’a pas finit de faire parler de lui.