Mardi dernier, le football algérien a été secoué par un tremblement de terre de grande envergure : les Guerriers du Désert ont pris la porte dès les poules de la compétition, et ce pour la seconde fois consécutive, raccompagné à l’aéroport par une modeste mais efficace équipe de Mauritanie qui s’est offerte, à cette occasion, sa première victoire et sa première qualification au tour suivant d’une coupe d’Afrique des nations.
Retour sur un fiasco prévisible mais, malgré tout, surprenant.
L’invincible Docteur Djamel.
A sa prise de fonction en août 2018, Djamel Belmadi récupérait une équipe nationale en plein doute. Non qualifiée au mondial russe, éliminée dès les poules de la CAN 2017, l’Algérie n’y arrive plus. Saluée et félicitée à la suite d’un mondial brésilien où elle s’offrait une historique qualification au second tour avant de sortir face aux futurs champions allemands, l’avenir semblait s’annoncer radieux mais rien n’a été dans le bon sens.
Après un enchaînement calamiteux de sélectionneurs, l’ancien joueur de Valenciennes est nommée par le président de la FAF, Kheïreddine Zetchi, et un parcours que tout le monde connaît va les mener jusqu’au titre de champions continentaux en Egypte, à l’été 2019.
A partir de là, l’Algérie va enchaîner une série d’une trentaine de matchs sans défaites. Et c’est là que le bât blesse. Les premiers temps, l’Algérie impressionne et s’offre le scalp de quelques équipes d’autres continents (notamment un 3-0 contre la Colombie). Mais très vite, l’euphorie laisse la place à la froide réalité : l’équipe n’a aucun fond de jeu et est continuellement sauvée par ses individualités, tantôt Slimani, tantôt Mahrez, à tel point que des premiers observateurs lancent l’alerte.
Très vite, le sélectionneur national devient méfiant envers la presse, principalement nationale, qu’il accuse d’être « en mission » pour nuire et n’hésite pas à les qualifier d’ennemis qui se réjouiraient de voir la défaite arriver. Des médias, que nous ne citeront pas, sont particulièrement pris pour cible par le coach qui les accuse de faire la propagande de certains joueurs au détriment d’autres, ainsi que d’être dans le parti pris contre lui.

L’irritable Mister Belmadi.
Dès lors, deux clans se forment dans la communauté des supporters : ceux qui soutiennent contre vents et marées le sélectionneur, artisan d’un titre espéré pendant vingt-neuf ans, et ceux qui ne supportent plus la non-identité de leur équipe et les dérives en conférence du coach. On notera pêle-mêle des provocations et autres attaques sur le physique envers des journalistes, de simples « C’est mon choix » quand il est interrogé sur les joueurs appelés ou laissés à la maison et toujours cette cabale contre lui et son groupe. L’ambiance devient de plus en plus électrique et tout le monde le constate.
Arrive la prochaine échéance, la CAN 2021, jouée en 2022, au Cameroun. L’Algérie se présente à cette compétition forte de son statut de championne d’Afrique en titre et toujours dans cette série de matchs sans connaître la défaite. Le groupe des Fennecs, accessible de prime abord, les verra affronter les favoris Ivoiriens, les outsiders Equato-Guinéens et les inattendus Sierraléonais. Personne ne voyait l’Algérie ne pas rafler au moins une qualification dans une première CAN où les quatre meilleurs troisièmes de poules se qualifiaient également.
Le bilan est catastrophique : match nul en ouverture contre la modeste Sierra Leone sans aucun but, fin de l’invincibilité algérienne dans une inattendue défaite 0-1 contre la Guinée Équatoriale et une correction dans les règles lors du match de l’espoir face à la Côte d’Ivoire. L’Algérie rentre à la maison avec un point dans la besace, avant-dernière équipe de la compétition, dépassée uniquement par… la Mauritanie.
Nouvel écart du sélectionneur à l’issue de la défaite face à la Côte d’Ivoire, s’en prenant notamment aux jeunes Adem Zorgane et Mohamed El Amine Amoura, zéro minute de jeu mais ayant les faveurs de la presse et appelés pour faire le nombre dans des groupes élargis en raison de la pandémie de CoVid-19, à l’heure de faire les comptes. La rupture entre Belmadi et la presse est à cet instant quasiment totale, rien de positif à deux mois d’un barrage décisif face au Cameroun pour aller au mondial qatari.
Riyad Mahrez, arrivé en retard au stage pour cause de repos supplémentaire et ayant traversé la compétition comme un fantôme, ainsi que le reste de ses équipiers doivent déjà se remettre au travail pour relever la tête et offrir à l’Algérie une qualification au Mondial attendue face à un Cameroun loin de sa grandeur.

Kahwa, millefeuille et complot.
Ne faisons pas durer le suspens : le barrage face au Cameroun acte la période de crise dans laquelle s’enfonce la sélection algérienne. Victorieuse sur la petite des marges à l’aller, l’Algérie s’effondre à l’ultime seconde du temps additionnel et laisse s’échapper un billet qui lui était acquis jusqu’alors. La conférence d’après-match est à charge contre l’arbitrage de monsieur Gassama, certes coupable de quelques erreurs, et l’accent n’est à aucun moment mis sur la pauvreté des deux manches jouées et sur un capitaine aux abonnés absents.
Au retour à Alger, la situation ne fait qu’empirer : le sélectionneur s’enferme dans une narrative où tout le monde est contre son équipe, de la pelouse à l’arbitrage, reprochant même au juge du match d’attendre son avion à l’aéroport d’Alger sans être importuné, consommant son café et son millefeuille comme si de rien n’était. A cet instant, une bonne partie de l’opinion publique le suit dans ce raisonnement et cette période ira jusqu’à l’envoi d’un dossier à la FIFA pour faire constater des erreurs qui auraient coûté la qualification aux locaux.
Le contrat de Djamel Belmadi courant jusqu’au mondial qui aurait du se jouer dans son pays d’adoption, celui où il passe le plus clair de son temps délaissant ses prérogatives de sélectionneur national algérien, personne ne sait ce qu’il adviendra du coach. Et finalement, malgré deux désastres consécutifs, la confiance de la FAF lui est renouvelée avec un nouveau bail devant le mener jusqu’au mondial nord-américain, en 2026.

Et ça continue, encore et encore.
Dès lors, bien qu’éprouvé et donnant l’impression d’avoir pris dix ans, le sélectionneur se remet au travail avec en ligne de mire la qualification à la CAN 2023, prenant place en Côte d’Ivoire en 2024, et le début des qualifications du mondial 2026. Bien que toujours peu rassurante dans le jeu, l’EN semble avoir relevé la tête et démarre même une nouvelle série de match sans perdre, se qualifiant à la compétition continentale, bien que des signes peu encourageants tels que le nul 0-0 face à la Tanzanie (avec une équipe bis néanmoins) et les deux victoires par un but d’écart face au Niger, apparaissent.
Inutile d’épiloguer sur la suite. L’Algérie enchaîne une troisième humiliation en autant d’échéances. Non content d’un fiasco sportif, les coulisses ne sont pas réjouissantes : l’Algérie s’est mise en stage fermé au Togo pour rien, Riyad Mahrez a pris à la légère les critiques sur ses deux matchs où il n’a fait aucune différence, arguant qu’il « n’écoutait pas ceux qui regardaient le match sur leur canapé ou leur téléphone » avant de promettre qu’il marquerait face à la Mauritanie. Plus qu’en 2022, rien n’est allé pour les Verts. En conférence de presse, Djamel Belmadi annonçait qu’il ferait le point une fois de retour à Alger, il n’en sera rien.
Quelques heures avant d’embarquer pour rentrer au pays, le président de la Fédération Algérienne de Football, Walid Sadi, annoncera sur les réseaux sociaux la fin de la collaboration avec son sélectionneur national. Le peuple, la presse et désormais les instances ont du se résoudre à lâcher l’homme qui les avait rendu si heureux cinq ans plus tôt, un soir d’été en Egypte. Trop têtu, trop obstiné, trop orgueilleux, hermétique à la critique même mesurée, partisan de la faute d’autrui. C’est désormais trop pour la majorité des supporters algériens.
C’est maintenant que tout (re)commence.
L’équipe nationale algérienne sort de trois étapes totalement ratées et se retrouve moquée et raillée tant sur son continent qu’à l’étranger. Pour autant, si le football nous a appris une chose, c’est qu’il est fait de cycles. L’ère Belmadi se termine de la pire des manières possibles, peut-être parce que la séparation aurait du avoir lieu à l’issu de son précédent contrat. Désormais, l’Algérie doit remercier son ex-sélectionneur pour ce qu’il a apporté à son arrivée et ce titre qui a rendu le peuple heureux à l’extrême, et tourner la page. Les premières rumeurs pour la succession de Belmadi n’ont pas tardé à fleurir, du retour de Vahid Halilhodzic au rêve fou Zinédine Zidane, en passant par Madjid Bougherra et Abdelhak Benchikha, tout y passe.
Pourtant, celle qui prend le plus de consistance est la piste menant au sélectionneur de l’Équipe de France féminine, Hervé Renard, en poste jusqu’aux JO de Paris 2024. L’Algérie peut-elle se permettre d’affronter les échéances de Mars et de Juin avec un intérimaire et attendre l’un des plus grands sélectionneur du continent en été ? Tout semble indiquer qu’il s’agit de la solution la plus cohérente.
CAN – Algérie : Hervé Renard pour remplacer Djamel Belmadi ?
Concernant les joueurs, beaucoup ont été remis en cause durant ces dernières années. Du capitaine déchu Riyad Mahrez au meilleur buteur Islam Slimani, en passant par Aissa Mandi (seul joueur ayant eu le courage d’aller saluer les supporters à Bouaké) et Sofiane Feghouli, une grosse revue d’effectif semble à envisager.
Le vivier local continue de pousser à son petit rythme, des joueurs comme Bachir Belloumi (2002, Farense) ou Nadir Benbouali (2000, Charleroi) continuent leur progression en Europe pendant que d’autres comme Yacine Titraoui (2003) et Adil Boulbina (2003) poursuivent leur apprentissage au Paradou, la meilleure académie du pays.
Concernant les joueurs de la diaspora, l’Algérie garde un oeil sur des éléments comme Rayan Cherki (2003, Lyon), Yacine Adli (2000, Milan) ou Michael Olise (2001, Crystal Palace) qui pourraient être intéressés par une mise en avant dans une sélection en quête de renouveau.
Il faut également compter sur la jeune génération déjà en place, parmi lesquels Rayan Aït-Nouri (2001, un des rares à avoir été potable lors de cette CAN), Farès Chaibi (2002) ou Baddredine Bouannani (2004). De même pour ceux ayant été peu ou pas utilisé par le précédent coach à l’image d’Abdelkahar Kadri (2000) ou Adem Zorgane (2000), ainsi que ceux amenés à porter cette génération comme Mohamed El Amine Amoura (2000) et Amine Gouiri (2003).

Le vivier semble beaucoup plus léger dans le secteur défensif où, à part au poste de latéral gauche, les pistes sont moindres.
Quoi qu’il en soit, l’Algérie, comme toute sélection, plie mais ne semble pas décidée à rompre. Cette période très compliquée doit être le départ de quelque chose de grand, à l’échelle nationale. La formation locale doit se démocratiser et ne pas reposer sur les seules épaules du Paradou (qui a sorti Boudaoui, Atal, Bensebaini, Zorgane, Ben Bouali et consorts) et devenir la priorité de tous pour que l’équipe ne doivent pas reposer sur les seuls joueurs trop talentueux pour jouer sur place et être complétée par des éléments de la diaspora parfois peu enclins à donner le maximum. Un juste équilibre doit être trouvé, comme en 2019 où la moitié de l’équipe avait été formée localement et l’autre moitié étaient venue de l’autre coté de la mer. Un Algérien est un Algérien, qu’il soit né sur le sol de la patrie ou ailleurs.
Hier, aujourd’hui, demain, un seul slogan :