Les stades font partie, sans aucun doute, de l’identité même d’un club. Comment imaginer aujourd’hui le PSG jouer dans un autre stade que le Parc des Princes ? Comment évoquer l’Olympique de Marseille sans penser à l’Orange Vélodrome ? Le stade est indissociable du club…
Cependant, comme dans la vie de tout à chacun, il arrive parfois de quitter son domicile historique pour un nouveau lieu de résidence plus spacieux, plus moderne, plus adapté à son époque. Ces nouveaux stades, de par leur importance physique et matérielle, représentent bien évidemment un coût important, souvent chiffré à plusieurs millions d’euros. Ce coût, quelqu’un va devoir l’assumer et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le financement d’un stade est bien plus complexe que ce qu’il n’y parait.

Ces dernières années, et plus particulièrement depuis la fin des années 90, de nombreux stades ont été construits, modernisés ou rénovés. Ces constructions et rénovations peuvent répondre à différents facteurs, comme la modernisation de certains édifices construits il y a plusieurs décennies ou encore la construction d’enceintes relatives à des évènements sportifs de grande ampleur (Coupe du monde 1998, Euro 2016, Jeux olympiques de Paris 2024). Ces stades ne sont que très rarement la propriété des clubs qui l’utilisent : en Ligue 1, seul l’Olympique Lyonnais est actuellement propriétaire de son stade (hors Ligue 1, l’AJ Auxerre, le Gazélec Ajaccio et l’AC Ajaccio sont, en octobre 2021, propriétaires de leurs stades).
Toutefois, le fait qu’un stade ne soit pas propriété du club qui l’occupe ne signifie pas que le club en question ne financera pas les travaux de celui-ci. Par exemple, c’est Qatar Sport Investments (QSI), propriétaire du Paris Saint-Germain, qui a financé les récentes rénovations du Parc des Princes. Cela est dû a une convention d’occupation temporaire du domaine public conclue entre la ville de Paris et la Société d’Exploitation Sports Événements, contrôlée par QSI.

Cette convention, conclue en 2013, prévoit qu’en échange du financement des travaux de rénovation du Parc des Princes, estimés à 75 millions d’euros, ainsi que le paiement d’une redevance annuelle à la ville de Paris, la SESE (et par extension le Parc des Princes) a un droit d’occupation privatif et d’utilisation exclusive du stade (hors manifestations et rencontres internationales). Cependant, le plus souvent, ce sont les fonds publics qui financent la grande partie des travaux de construction et de rénovation des stades, au travers de modèles plus ou moins efficaces.
Les fonds publics, base historique du financement des stades
Qu’est-ce que sont les fonds publics ? Pour faire très simple, ces derniers sont les fonds qui appartiennent aux acteurs publics (État et collectivités notamment) et qui sont perçus par les recettes des biens publics ou par la fiscalité (les impôts) notamment. Historiquement, les fonds publics sont la première source de financement des stades. Ce sont essentiellement les collectivités (à savoir, pour faire simple, les communes, les intercommunalités, les métropoles, les départements et les régions) et l’État qui financent les stades.
Certaines collectives sont propriétaires de stades parfois mythiques et financent les travaux de ces derniers : à titre d’exemple, c’est Saint-Étienne Métropole qui est propriétaire du stade Geoffroy-Guichard. Le club paye alors un loyer d’occupation, pas forcément d’occupation d’exclusive, et le stade pourra accueillir d’autres événements, comme des concerts ou des expositions par exemple (c’est le cas du Stadium de Toulouse par exemple). Dans la grande majorité, les collectivités sont propriétaires des stades.

D’autres clubs ont recours à des contrats particuliers pour l’occupation et le financement de leurs stades. Le plus souvent, ces contrats sont des baux emphytéotiques administratifs (BEA), définis dans l’article L. 1311-2 du Code général des collectivités territoriales. Derrière ce nom barbare se cache l’idée qu’il va être permis à une personne publique (une commune par exemple) de conclure un contrat portant sur la construction ou la rénovation d’un bien affecté au service public ou à l’intérêt général et ce avec une personne privée.
Ce contrat doit avoir une durée d’au moins 18 ans et peut s’étaler jusqu’à 99 ans. Dans l’idée, c’est ce à quoi ont eu recours les différentes collectivités propriétaires des stades du FC Metz, du RC Lens, d’Angers SCO ou encore du Stade Malherbe de Caen. Ces accords vont faire en sorte que ces clubs financent des stades qui ne leur appartiennent pas juridiquement, en payant également une redevance à la collectivité (réelle propriétaire du stade), en échange d’un droit d’occupation prioritaire, voire exclusif.

Dans tous les cas, le financement de la construction et de la rénovation des stades coûte cher, très cher aux collectivités et donc, par extension, aux fonds publics et au contribuable. Pour revenir sur le Stadium de Toulouse, ce n’est pas moins de 35 millions d’euros qui ont été nécessaires à sa rénovation en vue de l’Euro 2016.
La rénovation du stade Gabriel-Montpied de Clermont est estimée à près de 30 millions d’euros et il avait estimé que la rénovation des dix stades ayant accueilli l’Euro 2016 aurait couté près d’un milliard et 600 millions d’euros de fonds publics. Autant dire que le stade a plutôt intérêt à être rentable, ce qui n’est quasiment jamais le cas en pratique. Une solution a alors été prévue afin de réduire la facture, à savoir répartir les charges entre les collectivités et des sociétés et acteurs privés : ce sont les partenariats public-privé.
Le partenariat public-privé, la fausse solution
Les partenariats public-privé ont été très utilisés depuis la fin des années 2000, pour plusieurs très grands stades, parfois parmi les plus grands de France : le MMArena du Mans, les rénovations de l’Orange Vélodrome de Marseille, le stade Pierre-Mauroy de Lille, l’Allianz Riviera de Nice ou encore le Matmut Atlantique de Bordeaux, tous ces stades ont été financés au travers de ce type de financement. En quoi consiste alors le partenariat public-privé ?
Défini au travers de la notion de marchés de partenariats dans l’article L. 1112-1 du Code de la commande publique (il faut d’ailleurs utiliser cette terminologie depuis 2015 et l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015), celui-ci est un accord contractuel de long terme qui va permettre à une personne publique de faire appel à une personne privée pour concevoir, financer et gérer des infrastructures, notamment des stades.

L’intérêt de ce type de partenariat, pour la personne publique, est de s’assurer que les travaux vont être réalisés rapidement en étant majoritairement financés par des experts et mastodontes du secteur (Vinci, Bouygues, Eiffage…), ce qui va permettre à la personne publique de se constituer un patrimoine tout en conservant des fonds pour financer d’autres projets. En échange, comme rien n’est gratuit dans la vie, la collectivité, qui va exploiter l’édifice, va verser un loyer à la personne privée. Tout comme le BEA, ces partenariats vont avoir une durée très longue, souvent entre 15 et 75 ans. Par exemple, le partenariat concernant le stade Pierre-Mauroy a été conclu pour une durée de 31 ans, celui de l’Orange Vélodrome pour 35 ans.
Toutefois, ces partenariats sont aujourd’hui vus comme toxiques et les différents acteurs publics cherchent désormais à les éviter à tout prix. Ces partenariats présentent en effet beaucoup d’inconvénients à terme, notamment deux, qui n’apparaissent qu’une fois qu’il est trop tard pour faire machine arrière. En premier lieu, l’aléa sportif : personne ne peut dire qu’un club qui évolue aujourd’hui en Ligue 1 ne descendra pas en Ligue 2 ces prochaines années. Une descente en Ligue 2 implique le plus souvent une baisse drastique de fréquentation du stade, sans pour autant que le loyer diminue.
Ce fut le cas pour le MMAerna du Mans, pour lequel le club local avait fondé beaucoup d’espoir : la chute en Ligue 2, puis en National, a bien évidemment pesé sur les finances du club (allant même jusqu’à la liquidation judiciaire), le club ne pouvant plus payer certaines charges relatives au stade. La patate chaude est retombée sur la ville, qui était liée par le partenariat public-privé relatif à l’exploitation du stade. Ce partenariat a déjà couté actuellement plus de 50 millions d’euros à la ville, partenariat qui ne prendra fin qu’en 2043. En outre, pour ceux qui pourraient penser que cela ne risque pas d’arriver à certains gros clubs de Ligue 1, rappelons-nous de la 17ème place en 2017-2018 du LOSC, désormais champion en titre. Dans le football, tout va très vite, ce n’est pas qu’une maxime.

En deuxième lieu, et cela découle directement du concept même du partenariat, la redevance. Par ces partenariats, les collectivités sont engagées sur plusieurs dizaines d’années, années durant lesquelles il faudra qu’elles payent une redevance, redevance qui explose souvent, étant donné les clauses souvent variables de ces contrats, uniquement dans l’intérêt de la personne privée. Les clubs qui occupent ces stades sont souvent épargnés par ces clauses et la différence va être payée par les collectivités.
Par exemple, la Cour des comptes avait relevé en 2016 que certaines clauses relatives au partenariat public-privé protégeaient l’OGC Nice de payer ce qu’elle devait effectivement payer par rapport au prix du marché concernant l’occupation privative de l’Allianz Riviera. Finalement, ce sont les collectivités qui devront payer les pots cassés, et ceux-ci coutent cher : entre les loyers, les surcouts, les protections et les diverses clauses variables, la facture initiale de 200 millions d’euros pour la construction du stade devrait s’élever, à terme, à plus de 400 millions d’euros d’ici 2040.

C’est ainsi que beaucoup de collectivités propriétaires de stades souhaitent vendre ces derniers, notamment la Métropole de Bordeaux, qui pousse pour que Gerard Lopez rachète le Matmut Atlantique afin de se libérer d’un partenariat qui lui coute énormément. Une troisième solution pour le financement des stades serait alors de recourir à un financement non plus public, non plus public-privé, mais un financement exclusivement privé.
Le financement privé, la solution d’avenir ?
Il ne faut pas confondre propriété et financement privé d’un stade. Certains clubs, comme l’AC Ajaccio, le GFA Ajaccio ou encore l’AJ Auxerre, ont racheté le stade qu’ils occupent désormais, mais n’ont pas financé leur construction. Toutefois, rares sont les clubs qui ont financé quasiment de A à Z leur stade. Si des projets dans ce sens existent dans le football français (notamment du côté de Brest, Nîmes ou encore Montpellier, pour ne citer qu’eux), il n’y a actuellement qu’un seul club en France qui peut s’en vanter, à savoir l’Olympique Lyonnais.
Si le club de Jean-Michel Aulas a réussi un tel exploit, c’est après avoir fait beaucoup de sacrifices (vente de joueurs, lourds investissements et prêts bancaires, redirection des fonds propres, naming…) mais pas que. En effet, le Groupama Stadium répondait à un besoin concret, réfléchi et structuré. Qui plus est, même si le financement de ce dernier n’est finalement pas totalement privé (20 millions d’euros sur les 405 qu’ont coûté le stade sont issus de financements publics), les collectivités ont, quant à elles, financé les abords et les dessertes du stade.

Aujourd’hui, de nombreux juristes, dirigeants de clubs, intellectuels et figures politiques sont favorables à un financement privé des stades. Pour eux, les fonds des collectivités et donc les fonds publics ne doivent pas financer les outils de travail des clubs sportifs, de la même manière qu’ils ne financent pas des entreprises ou sociétés privées.
C’est déjà ce modèle qui est grandement privilégié à l’étranger (le Real, le Barca, l’Inter et le Milan AC, Tottenham, Arsenal, la Juventus, le Bayern, le Borussia Dortmund, le FC Porto ou encore l’Atlético ont tous opté pour ce modèle), afin qu’une fois que le remboursement du financement du stade ait été effectué, le club puisse récupérer tous les bénéfices de l’exploitation du stade, sans qu’un prestataire extérieur ou un acteur public ne vienne implanter son grain de sable dans la machine.

Cette solution du financement privé est désormais de plus en plus envisagée par les clubs français, qu’il s’agisse de la construction des stades ou du rachat de ces derniers (comme le souhaite, en substance, le Paris Saint-Germain). Toutefois, bien que le modèle de financement des grands stades tende vers l’intervention de plus en plus importante d’acteurs privés et que la limite entre sport et business devienne toujours plus floue, il ne faut pas que les contribuables et les spectateurs ne deviennent, malgré eux, le nouveau financeur des stades.
Le stade doit être pensé avant tout pour les spectateurs, leur permettant de s’évader de la vie quotidienne. Il doit conserver ce principe des jeux antiques, conçus dans l’esprit des plaisirs du pain et des jeux et, pour cela, seul le financement public peut y répondre, celui-ci ne cherchant théoriquement pas le profit. Plus simplement, lorsque ces édifices ont pour vocation l’intérêt public (comme pour les petits stades de moins de 5 000 places), le financement peut être public. Lorsque ces édifices visent à la pérennité et aux bénéfices d’entreprises privées comme des clubs professionnels, il n’y a aucune raison de les financer par les fonds publics.

C’est en ce sens que la problématique du financement des grands stades, des arenas et autres équipements sportifs doit être désormais réfléchie dans les années à venir : le financement de telles enceintes visant à perdurer dans le temps doit avoir un financement sain, n’engageant que ceux qui pourront en tirer de réels bénéfices, afin que chaque acteur trouve sa place sur le terrain et qu’aucun d’entre eux ne soit en position de hors-jeu.
Si le sujet vous intéresse et que vous souhaitez en savoir plus, vous trouverez ci-après un mémoire universitaire rédigé par Flavien Dublineau dans le cadre de ses études de droit, qui revient plus en détail sur de nombreux points.
Ce mémoire d’une centaine de pages traite de manière plus précise sur l’histoire des stades, ses financements publics et privés, les partenariats public-privé, les contrats de concessions, les multiples types de financements des stades en France et en Europe, la situation actuelle et ouvre des pistes de réflexion sur les hypothèses qu’il faudrait retenir pour le financement des futurs stades. Il présente également une bibliographie, dans laquelle se retrouvent les sources utilisés quant à la rédaction du mémoire et de cet article. Cela dit, ce mémoire ne vise pas à apporter une vérité absolue et indéniable, mais plutôt à poser une réflexion sur le sujet, réflexion qui n’engage que son auteur et qui est évidemment ouverte au débat.
MEMOIRE M2DP-ACT- Vers la fin du financement public des stades – Flavien Dublineau – 2021