Etincelant comme bon nombre de ses coéquipiers au cours de l’épopée de l’Ajax Amsterdam en Ligue des champions la saison passée, Hakim Ziyech est reparti sur des bases similaires cette année. De quoi s’interroger sur le peu de sollicitations concrètes dont il a fait l’objet cet été.
Une technique élégante, un pied gauche soyeux, de la vista, et de la prise de risques. Le type de joueur qui vous pousse à allumer la télé. L’ailier international Marocain (24 sélections) a tout pour enchanter les fanatiques du ballon rond. Mis en valeur par le collectif huilé et discipliné de l’Ajax, le numéro 22 s’est particulièrement distingué la saison dernière, avec 16 buts et 13 passes décisives en Eredivisie (dont il fut élu meilleur joueur en 2018 et 4 fois meilleur passeur) emmenant le légendaire club néerlandais au titre de champion qui lui échappait depuis 2014.
D’aucuns s’empresseraient de mettre en lumière le niveau somme toute relatif du championnat. Seulement voilà, Ziyech s’est également distingué face au Real Madrid, la Juventus de Turin, Tottenham, et plus récemment à Chelsea (un but deux passes décisives) au plus haut niveau Européen. Ajoutez à cela une finale d’Europa League (perdue devant Man United) et vous obtenez une solide carte de visite.
Insuffisant toutefois pour faire l’objet d’offres concrètes de la part des cadors du vieux continent, à l’inverse de ses partenaires De Ligt (parti à la Juve) et De Jong (parti au Barça), ou encore Van De Beek (annoncé proche du Real Madrid). Ce qui pose inévitablement question.
En premier lieu, il convient de rappeler que Ziyech est plus âgé que ces derniers, et peut être perçu comme ayant une marge de progression plus réduite qu’un joueur de 20 ans.
Il n’a en effet connu d’autre championnat que l’Eredivisie, loin d’être reconnu comme l’un des meilleurs. Peut être les grands d’Europe se disent-ils qu’il est un peu tard pour le conformer aux exigences du très haut niveau.
Par ailleurs, si certaines de ses fulgurances sont en effet éblouissantes, le Marocain a une tendance plutôt prononcée à plonger physiquement et disparaître d’un match. Ce que n’auront pas manquer de noter les scouts Européens, et qui peut évidemment constituer un frein à un éventuel recrutement.
C’est dans la tête comme dirait l’autre
Difficile d’ignorer en outre ses échecs dans les moments de vérité : Ses trois énormes occasions ratées face à Tottenham en demi finale de Champions League, qui coûtent la finale aux siens, ou encore sa phase de poule ratée à la CAN avec en point d’orgue ce penalty manqué dans les arrêts de jeu face au Bénin (élimination en 1/8ème de finale aux tirs aux buts). Aurait-il ainsi les épaules et le mental pour supporter une pression non plus épisodique mais constante au sein d’une grosse écurie ? Car jouer avec l’étiquette d’un transfert à 80 millions d’euros dans une équipe possédant 3 ou 4 alternatives au même poste, et où le niveau d’exigence et la pression médiatique sont quotidiennes est une toute autre histoire. Demandez donc à Riyad Mahrez. L’international Algérien, dont le profil peut rappeler celui de Ziyech, ne démérite pas lorsqu’il entre en jeu, mais semble tout de même bien moins à son aise qu’à Leicester. Il faut dire qu’évoluer chez un candidat au titre et à la Ligue des Champions, avec Sané, Silva, et Sterling en concurrents directs change sacrément la donne.
Enfin, on ne peut parler du traitement de Ziyech sans parler de celui des joueurs Africains en général. Souvent grands oubliés des récompenses individuels, les footballeurs maghrébins comme subsahariens semblent condamnés à en faire toujours plus pour être dans la lumière. Peut être le maillot Oranje (qu’il a porté chez les jeunes) lui aurait-il ouvert plus de portes. Au moment de choisir entre le Maroc et les Pays-Bas en 2014, après avoir loupé une convocation de Guus Hiddink sur blessure, il déclare alors : « Quand j’avais 16 ans, j’étais toujours parmi les meilleurs joueurs mais j’étais toujours le seul qui ne recevait aucun contact avec aucun club. Je me suis posé une tonne de questions sur le fait que je sois Marocain, que j’ai moins de chances que les autres ». Après une entrevue avec Badou Zaki, alors sélectionneur des Lions de l’Atlas, il choisit le Maroc, ce qui lui vaudra d’être qualifié de « stupide » par Marco Van Basten et d’être hué par une partie des supporters de l’Ajax à son arrivée en 2016. Ziyech évoque lui un choix du cœur.
Du cœur il lui en faudra pour exporter son incroyable potentiel au plus haut niveau, et dissiper ainsi les moindres doutes. À 26 ans, le moment serait bien choisi.