Est-ce que le meilleur du football se construira autour de la Belgique et des Pays-Bas ? Ce mardi 16 mars, l’Assemblée Générale des 25 grands clubs professionnels belges a voté à l’unanimité le lancement d’un audit pour la création d’une ligue transfrontalière dite « BeNeLeague ». C’est-à-dire la fusion des championnats belges (Jupiler ProLeague) et néerlandais (Eredivisie).
Alors que les spéculations autour d’une « Super League » européenne ont pris du terrain depuis quelques temps, c’est autour d’un nouveau projet fou d’émerger sur la scène footballistique et qui pourrait modifier la pyramide actuelle. En effet, depuis plusieurs années maintenant, les dirigeants de certains clubs belges et néerlandais souhaitent mutualiser leurs ligues respectives pour permettre une meilleure compétitivité et donc une visibilité plus conséquente de leurs championnats.
Concurrencer sportivement le Big 5 européen
« Cette ambition est fondée à la fois sur le respect des aspirations sportives des grands clubs et sur le besoin de stabilité économique des autres clubs professionnels. Les 25 clubs unanimes veulent donner toutes ses chances à la réalisation éventuelle de la Beneleague. Le management de la Pro League jouera dès à présent un rôle actif dans ce projet », peut-on lire dans le communiqué officiel de la Pro League.
Cette nouvelle orientation du paysage footballistique s’inscrit dans une volonté de concurrencer le projet de la Super League prôné par les 5 autres Championnats européens composé de la Liga, de la Ligue 1, de la Premiere League, de la Serie A et de la Bundesliga. En effet, les deux nations, belge et néerlandaise, ont un intérêt à se rassembler puisque ne faisant pas partie du projet de la Super League.
Le vote pour le lancement de cette BeNeLeague a notamment été encouragé par Vicent Mannaert, directeur général du FC Bruges qui souhaite que chacun puisse dépasser ses intérêts particuliers et que l’étude de faisabilité du projet puisse aboutir pour 2023.
Pour la suite, de nouvelles règles de licences et de compétition durables devront être déployées. En effet, la Pro League a indiqué qu’elle allait revoir les conditions d’octroi de la licence professionnelle afin « d’assurer cette ambition future pour le football professionnel belge ».
Un intérêt économique indéniable
Derrière l’intérêt sportif de ce championnat commun, se cache bien des intérêts économiques pour les clubs qui rejoindraient la BeNeLeague. En effet, la Belgique et les Pays-Bas sont deux pays qui, séparemment, sur le marché des droits TV ne bénéficient que d’une faible visibilité.
Selon l’économiste Thomas Peeters, a eux deux, les revenus des clubs augmenteraient significativement, pour se rapprocher du milliard d’euros, avec des droits TV multipliés par deux et avec un marché potentiel de 30 millions de consommateurs sur le territoire belgo-néerlandais.

En créant cette ligue qui viendrait faire face au Big 5 européen, les dirigeants souhaitent à l’avenir garder leurs joueurs nationaux dans leurs championnats locaux qui s’exportent trop souvent vers les autres championnats. Ainsi, avec des droits économiques qui augmenteraient, cela permettra de payer de manière plus conséquente les joueurs.
Ainsi, avec cette potentielle fusion, quoi de mieux que d’attirer de nouveaux diffuseurs et investisseurs étrangers. Un projet alléchant sur le papier et qui ne pourraient être que positif pour les deux pays.
Vers un imbroglio réglementaire
Au-delà de l’adhésion des supporters, les dirigeants belges risquent de se heurter aux différents règlements européens. En effet, les dispositifs de la réglementation UEFA interdisent l’idée d’un championnat bi-national.
Si les cas spécifiques de l’AS Monaco en France ou de Swansea en Angleterre qui évoluent bien dans des pays différents, sont désormais pleinement intégrés dans le paysage footballistique parce que affiliés respectivement à la FFF ou la Fédération Anglaise de Football, rien ne présage que le même destin se dessinera pour les clubs belges et néerlandais.
En effet, avec ce nouveau serpent de mer, la BeNeLeague va susciter de nouvelles inquiétudes de la part de la FIFA et UEFA. Concrètement, caque club qui fera partie de ce nouveau Championnat belgo-néerlandais restera belge et néerlandais. Or, la FIFA et les six confédérations du football (AFC, CAF, Concacaf, Conmebol, OFC et UEFA) ont déjà mis un veto pour le projet de la Super League européenne et brandissent des menaces dissuasives. Il ne serait pas surprenant que les instances prennent à nouveau position sur ce projet belgo-néérlandais.
Bonne ou mauvaise idée ?
Sur le papier, tout amateur et supporter de football, ne serait qu’émerveillé de voir un Ajax Amesterdam vs FC Bruges ou un Anderlecht vs PSV Eindhoven tous les week-end. Cela entrainera forcément une dynamique sportive importante autour de la billetterie, du marketing, de la compétitivité, du spectacle … Mais derrière un programme alléchant, différentes problématiques émergeront et notamment sur le principe de l’équité sportive.
En effet, comment se réaliseront les qualifications européennes ? (Champions League, Europa League …).
Par ailleurs, il faudra également trancher le nombre de clubs participant à la BeNeLeague. Aujourd’hui, les spéculations portent sur 18 équipes (10 du Championnat néerlandais et 8 du Championnat belge), ce qui suscitera des frustrations de certains clubs belges et néerlandais qui ne participeront donc pas au projet. Beaucoup y voient une incertitude sportive au profit du confort économique, creusant l’inégalité entre les clubs. Il faudra repenser les dispositifs de relégations, la hiérarchie administrative liée aux dirigeants des deux League …
Outre le flou autour de ce nouvel accord de principe voté par les dirigeants, c’est une course au pouvoir qui s’installe de plus en plus dans le paysage du ballon rond.
Ainsi, le football est quoique l’on dise un parfait outil de communication politique qui ne profite qu’aux grands clubs. La quête du pouvoir est un scénario qui demande de la réflexion et de la prise de risque. A l’image du projet de la Super League plébiscité par certains Présidents comme Andrea Agnelli qui veut continuer à écraser sportivement et économiquement les autres clubs ou Florentino Perez qui plaide pour de nouveaux changements, Pierre François le patron de la Pro League considère que le projet de la BeNeLeague est un « un scénario qui doit être étudié ».
Alors, ce projet reste difficile à trancher entre ceux qui y voient une première fenêtre à l’idée de la Super League européenne et ceux qui considèrent que cette BeNeLeague est un manquement grave aux valeurs morales et éthiques pourtant prônées par les instances du football mondial. Cet accord de principe voté lors de l’Assemblée Générale de la Jupiler Pro League ne serait peut-être qu’un jeu politique pour calmer les ardeurs internes. Personne ne sait si ce championnat transfrontalier verra le jour alors même que ces League post jurisprudence Bosman doivent trouver des solutions dans cette course folle et déséquilibrée du football européen.