Sané, Chambers, Sule, Chiellini, Zaniolo, Malcuit, Clyne, Asensio, Barja, Pier, Demiral…La liste des blessés graves n’a eu de cesse de s’allonger ces derniers mois en football. Et plus particulièrement cette fameuse blessure tant redoutée, ayant gâché tant de carrières plus prometteuses les unes que les autres : La rupture des ligaments croisés du genou.
Une fois n’est pas coutume, petit point médical tout d’abord :
Les ligaments croisés sont situés à l’intérieur de l’articulation du genou et relient le fémur au tibia. On distingue le ligament croisé postérieur, et le ligament croisé antérieur, qui assurent en grande partie la stabilité du genou. Le ligament croisé antérieur limite les mouvements en rotation et en extension vers l’avant.
La rupture partielle ou totale du ligament croisé antérieur se produit majoritairement dans 3 types de configurations : Un changement brusque de direction, une décélération brutale, une mauvaise réception d’un saut, auxquelles il faut ajouter les collisions avec un autre joueur.
Une blessure dont certains mettent des mois à se remettre, quand d’autres n’en reviennent jamais vraiment. Une hécatombe qui incite à s’interroger sur ses origines.
Et dès lors, comment ne pas identifier le fameux rythme des matchs, souvent pointé du doigt par les joueurs, entraineurs, dirigeants et autres spécialistes. Tous s’accordent sur un point : On joue trop. Et cela ne va pas en s’arrangeant. CAN, Coupe du monde, Euro, Ligue des Champions, championnat, coupes, supercoupes, coupe de confédération, Copa America… Les professionnels du football se voient imposer une cadence infernale. Tout ceci pour le plus grand plaisir des spectateurs, mais également des médias et autres annonceurs, y voyant ici un moyen de faire toujours plus d’audience et de chiffre, au détriment de la santé des acteurs.
UNE BLESSURE PHYSIQUE ET MENTALE
L’aspect mental joue également un rôle décisif. Il est bien connu des sportifs de tous niveaux que lorsque la tête ne suit pas, le corps en fait autant. La pression constante et croissante mise par les clubs, agents, et autres sponsors sur leurs poules aux œufs d’or peut pousser ces derniers à vouloir surperformer, au péril de leur santé.
Si les footballeurs de haut niveau ont à leur disposition des moyens leur permettant de revenir au plus tôt 6 mois après sur les terrains (un délai pouvant doubler pour un sportif occasionnel), tous ne reviennent pas au même niveau qu’avant leur blessure. On pense notamment à Radamel Falcao, passé de star mondiale au quasi anonymat à Monaco après des échecs à Man U et Chelsea, Nabil Fekir, promis à Liverpool et aujourd’hui au Betis Séville, ou Shabani Nonda (Monaco) pour les plus anciens. Seul nous revient en mémoire le cas du Brésilien Ronaldo, moins explosif qu’avant, mais toujours un redoutable goleador sous les couleurs du Brésil et du Real Madrid. Mais n’est pas R9 qui veut.
La rémission physique va ainsi de paire avec la rémission mentale. « Après la blessure aux ligaments croisés, à 27 ans, j’ai pensé à la retraite. Ça m’a traversé l’esprit quelques fois. Je ne vais pas mentir. Cette blessure est arrivée de nulle part, à l’entraînement. Je me suis retourné et c’est arrivé. J’ai eu cette réaction au départ, en étant bouleversé et frustré. Je me disais : « ok, c’est bon, maintenant j’arrête ». « L’émotion a surtout été forte après. Là, j’ai davantage réalisé tout ce qu’il s’était passé les mois précédents. C’était vraiment très, très dur. J’aime le football, j’ai envie d’y jouer. Je comptais les jours. Après le match, j’ai pu verser des larmes… Je suis allé voir le préparateur physique et le kiné qui s’étaient occupés de moi. J’ai pu dire merci à tout le monde. J’ai eu plein de flashes ». À ces mots d’Abou Diaby (Arsenal) et Corentin Tolisso (Bayern) l’on peut obtenir une vague idée du long chemin de croix d’un sportif victime de ce type de blessure, aussi bien physique que psychologique. L’envie d’arrêter, les potes qui gagnent sans que vous puissiez participer, perdent sans que vous puissiez y remédier, le téléphone qui sonne moins, le soutien de son club, les recrues qui viennent te remplacer… Tous ces éléments conditionnent à n’en pas douter la guérison plus ou moins efficace d’un footballeur.
SONER ERTEK, FAUTIF DE LA CHUTE DE FALCAO
Enfin, on se préoccupe souvent de l’état physique et psychologique du blessé, mais rarement de l’éventuel fautif : Si certaines blessures arrivent seules, d’autres peuvent être causées par un adversaire, souvent dépeint comme un odieux agresseur. L’intéressé se voit insulter, harceler, et culpabiliser de ne pas avoir su ou pu maitriser son engagement. Le cas de Soner Ertek, défenseur de Chasselay (CFA) est des plus parlants, puisqu’il est à l’origine de la blessure de nul autre que Radamel Falcao, alors au sommet de son art à l’AS Monaco, à quelques mois du mondial au Brésil. «Je suis dépassé par ce qu’il se passe. Je suis allé travailler aujourd’hui parce que je suis professeur des écoles et je n’entends parler que de cette affaire». «Je le répète, je suis vraiment désolé pour Monaco, pour Falcao mais c’est très compliqué pour moi. Dès mercredi, j’ai reçu des demandes « d’amis » de Colombie sur ma page Facebook dont le compte a été fermé depuis». Dur moment pour le jeune homme, passé de professeur anonyme à héros malheureux, privant tout un pays de son idole pour plusieurs mois. On n’ose ainsi imaginer le type de pression et de menaces auxquelles il a pu faire face.
Mais alors quelles solutions ? On pourrait imaginer un allègement du calendrier, mais on se dit instantanément que cela serait bien utopiste, la loi du marché étant ce qu’elle est. Un plus grand nombre de changements pendant un match, afin de préserver un peu plus la santé des troupes a déjà été évoqué, et pourrait être un bon début de réflexion. Toujours est-il que la généralisation et la banalisation de cette blessure dans le football pousse à s’interroger, voire s’alarmer, et appelle ainsi à une réflexion d’ensemble sur la question.