Kylian Mbappé et le PSG, c’est fini ! « Kyks » rejoindra, normalement, le Real Madrid à l’issue de son contrat cet été 2024. Après avoir longuement fait planer le doute sur son avenir, c’est désormais officiel, la star du football français s’en va. L’occasion de revenir sur l’importance des transferts dans le football français.
Si les conditions du départ du meilleur buteur de Ligue 1 sont encore très floues, il est évident que Kylian Mbappé quittera le PSG et la Ligue 1 « libre » ; et c’est ce dernier point qui fait l’objet de vives discordes chez les aficionados du club. Les fans du joueur défendent sa cause, mettant en avant la qualité du service rendu et une prime à la signature de plusieurs dizaines de millions d’euros qu’il n’aurait pas touchée au profit du club.
Des arguments qui ne suffisent pas à convaincre l’opinion publique qui soutient qu’un transfert payant est la seule manière convenable de quitter un club quand on a une valeur marchande aussi conséquente que celle de l’attaquant (180 Millions d’euros selon le site Transfermarkt). Quoi qu’il en soit, le joueur se contente ici de respecter ses obligations contractuelles.
La notion de contrat a pris une dimension assez surprenante dans le football, souvent au profit des clubs qui « savent vendre » et des nombreux intermédiaires qui prennent part à ces transactions.
Pourtant, la plus naturelle des fins pour un contrat à durée déterminée est tout simplement son échéance. Le législateur l’énonce clairement : « Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme. » (L1212 C. Civ.). La rupture anticipée du contrat est donc une exception.
Force est de constater que ce rapport s’est inversé dans le football moderne. Et pour cause, la nécessité des clubs à vendre pour rester compétitifs.
La mutation payante (transfert avant fin de contrat) de joueurs est aujourd’hui une pièce maîtresse du modèle économique des clubs français bénéficiant globalement des recettes suivantes : les droits télévisuels, le sponsoring/merchandising, la billetterie et enfin la balance des transferts.
Le dernier rapport financier du football professionnel publié par la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion) illustre parfaitement la place importante qu’occupent les transferts en France : la survie de la majorité des clubs, notamment en Ligue 1 en dépend.
Avant les transferts, près de 94% des clubs sont dans la zone rouge avec un total cumulé de plus d’un milliard d’euros de pertes. Après mutations, ce chiffre tombe à « seulement » 298 millions d’euros. Plus alarmant encore, le budget alloué à la rémunération des agents a augmenté de 18% depuis la saison dernière, atteignant plus de 152.2 millions d’euros pour 2022-2023. Et depuis quelques années, les clubs ont l’obligation de se séparer de certains de leurs actifs – joueurs – pour espérer être à l’équilibre.
Cette course aux transferts a permis de remplir les poches de certains ; mais aussi de faire briller de nombreux joueurs français à l’étranger. Le magazine So Foot a dédié son numéro du mois de mai 2024 aux talents franciliens et y dévoile une statistique dissonante : dans les cinq grands championnats européens, 1 joueur sur 10 vient d’île-de-France. Cette donnée provoque un sentiment mitigé entre la fierté de voir le rayonnement des talents français à l’étranger et l’incompréhension devant l’écart entre la qualité de la formation française et le niveau des championnats français comparés aux homologues européens.
La France et la Ligue 1, véritable machine à cash
La France semble être une machine à former et surtout à vendre. Les joueurs sont vus comme des actifs dans lesquels on va investir et sur lesquels on attend un rendement rapide et important. On ne forme plus pour constituer une équipe, mais pour espérer faire un retour sur investissement. Malheureusement, peu de clubs français peuvent se vanter d’avoir pu garder des joueurs qu’elle a formé plus de deux saisons d’affilée. Arrivés à maturité, les fruits ne sont bons qu’à être vendus.
Ce rythme de course effréné donne parfois lieu à des mouvements quelque peu surprenants. La règle (implicite) qui proscrit les transferts de jeunes joueurs ne semble plus exister et certains clubs n’hésitent plus à démarcher les pensionnaires des autres centres de formation.
D’un autre côté, les clubs étrangers aussi s’intéressent aux français de plus en plus tôt qu’auparavant et s’offrent les services de joueurs encore en formation, voire en pré-formation (le FC Bayern Munich a recruté un joueur U17 du FC Annecy selon un communiqué du club du 01/05/2024. Rappelons que le FC Annecy n’a pas de centre de formation).
En outre, on forme pour vendre aux autres championnats. On récolte des petits chèques, et eux des ligues des champions. Un véritable cercle vicieux que le football français peine à quitter.
C’est dans ce contexte de pression constante à l’approche des échéances contractuelles que l’attaquant parisien, formé à Monaco, a décidé de quitter son club libre de tout engagement. Un choix qualifié de “manque de respect et de reconnaissance envers le club”, d’“aberration”. Et si le cas de Kylian Mbappé faisait jurisprudence ? Et si, comme lui, d’autres joueurs décidaient de respecter leur contrat ?
Le système serait, à bon droit, remis en question. Et il en découlerait peu de réponses satisfaisantes. Comment retrouver de la compétitivité à l’échelle internationale ? Qui doit supporter le coût de la course à la performance sportive et financière ? En outre, quel modèle économique pour le football français ?
Autant de problématiques financières auxquelles les acteurs du football français devront rapidement répondre pour envisager le futur sereinement.
