Pendant 15 ans, Philadelphie n’avait pas d’équipe en Major League Soccer depuis que le championnat avait débuté en 1996. Pourtant, la ville de l’ Etat de Pennsylvanie était la 5ème ville la plus peuplée des Etats-Unis (+1.5M d’habitants).
En 2010, la franchise de Philadelphia Union fait enfin son apparition dans le paysage du soccer et 10 ans plus tard, elle remporte son premier trophée national. Focus donc sur la réussite d’un club dont l’ascension fût longue mais très bien construite.
L’Union fait la force
Le souhait d’implanter une équipe MLS à Philadelphie ne date pas de 2010. En 2001, un groupe d’investisseurs avaient tenté à l’époque d’amener une équipe à Trenton, une ville située entre New York et Philadelphie dans l’état du New Jersey. Cependant, étant donné qu’aucune franchise ne peut être créée à moins de 120km d’une ville déjà en place, les MetroStars (ancien nom de New York Red Bulls) ont posé leur droit de veto afin que le projet tombe à l’eau. Le club devait alors s’appeler « Union FC » !
Six ans plus tard, les « Sons of Ben« , un groupe de supporters de Philadelphie, font les démarches nécessaires afin de faire venir une équipe en Major League Soccer dans la ville qui en possède déjà une en NBA (Philadelphia 76ers depuis 1946), en NHL (Philadelphia Flyers depuis 1967), en NFL (Philadelphia Eagles depuis 1933) et aussi en MLB (Philadelphia Phillies depuis 1883) ! Ne manquait donc qu’une équipe de soccer qui est la discipline montante aux USA et là où le sport est omniprésent et varié. Ainsi, Don Garber, le Commissaire de la Major League Soccer, valide le projet et annonce Philadelphia Union comme 6ème équipe d’expansion du championnat le 20 février 2008 pour la saison 2010.

L’arrivée de l’Union dans une des plus grandes métropoles du plus grand pays Américain est la suite logique du développement de la MLS. En matière de bassin de population, New York (New York Red Bull en 1996), Los Angeles (LA Galaxy en 1996), Houston (Houston Dynamo en 2006) et Chicago (Chicago Fire en 1998) étaient les seules villes se trouvant être plus peuplés que Philadelphie et possédaient une équipe dans le championnat dès la première saison, la dernière étant étant la première équipe d’expansion.
« Grâce à l’engagement inébranlable du groupe de Jay Sugarman (Président et propriétaire majoritaire des Zolos NDLR) et à la vision des représentants du gouvernement de Pennsylvanie, la MLS arrive bientôt à Philadelphie. Nous sommes impatients de célébrer le sport le plus populaire au monde sur le quatrième marché du pays et dans un stade de pointe dédié au football. »

Cette proximité entre les trois villes avec la 16ème équipe nord-américaine est alors une aubaine pour Don Garber et la MLS qui sont très amateurs des rivalités en tous genres comme celle entre DC United et New York Red Bull : l’Atlantic Cup. La Ligue a donc tenté de monter une rivalité de toutes pièces entre DC et l’Union dû à leur rapprochement géographique, sans succès malgré quatre propositions de noms de derby en 2016 parmi la Colonial Cup, la I-95 Cup, la Capital Cup et la Freedom Cup.
L’intégration d’une équipe de soccer à Philadelphie a surtout eu le don de faire venir des supporters des équipes voisines pour ensuite attirer les Philadelphiens comme en témoigne James, ancien partisan de DC United en 2008 pour le site « MLSnet.com ».
« Nous sommes tous fans de Philly maintenant. Nous pouvons avoir des fans de DC United ou des Red Bulls ou d’autres équipes, mais plus maintenant. C’est notre équipe et c’est un rêve devenu réalité. Je pense que les membres de notre fan club comprennent le football et comprennent la ligue. Maintenant , nous soutiendrons tous notre équipe. Nous connaîtrons les grandes rivalités et ce qu’il faut rechercher. »
Le 15 juin 2020, le club officialise un nouvel actionnaire en la personne de Kevin Durant, le champion NBA 2017 et 2018 qui évolue chez les Nets de Brooklyn qui va posséder maintenant 1 à 5% de la franchise. Sur les 240M$ estimés par Forbes, le capital du basketteur Américain serait donc de 12M$ et augmentera fortement la visibilité de l’équipe ! Cette entente est la preuve d’une volonté du club de se développer dans le même sens que la Ligue en mettant l’accent sur le côté marketing du soccer tout en permettant à Durant de toucher du doigt un projet qui lui tiens à cœur : devenir propriétaire d’une franchise MLS.
« Nous avons décidé de créer un type de partenariat différent qui n’est pas simplement un enjeu de propriété, mais avec une réelle implication dans le marketing et le développement commercial de toute l’équipe de Thirty Five Ventures. »
– Explique Rich Kleiman son manager dans un communiqué. –

La jeunesse au centre du projet !
Rapidement, le club s’est aussi tourné vers l’affiliation et la formation en se liant avec Reading United AC qui évolue en USL League Two (4ème division) afin de se développer.
Le club et Richie Graham (propriétaire minoritaire) ont très vite compris qu’avec le bassin de population que possède Philadelphie, il serait plus intéressant pour eux de faire progresser les jeunes.
« Nous croyons que les États-Unis sont une future puissance dans le sport du football, nous avons tous ces ingrédients et nous aimerions que l’Union de Philadelphie contribue à ce processus. Nous allons être un club de « construction » et non « d’achat ». »
Ce projet, les joueurs formés au club comme Mark McKenzie (défenseur central formé au club depuis ses 16 ans, maintenant en équipe première à 21 ans) l’ont très bien compris et saisissent leur chance :
« Avoir Richie (Graham) nous place dans un environnement où nous pouvons nous épanouir et où nous sommes obligés de grandir non seulement en jouant au football, mais en tant que jeunes hommes, c’est quelque chose qui n’avait pas été fait auparavant. Cela a certainement inspiré beaucoup de jeunes à vouloir faire partie de quelque chose de plus grand, vouloir faire partie de ce mouvement du football. »
Chaque année, le nombre de joueurs sortant de l’académie et de l’équipe réserve de Philadelphia II n’a cessé de s’accroître à tel point qu’en 2020, le club récolte le fruit de son travaille de formation avec une belle génération qui s’impose avec l’équipe première.
Les chiffres parlent d’eux-même. En 5 ans, les joueurs « formés au club » sont passés de deux en 2016 (première saison de Philadelphia II) qui n’évoluaient qu’avec l’équipe réserve à sept dont tous ont au moins joué un match de MLS en 2020. En 2017, ils étaient trois « homegrown » à jouer en USL Championship (2ème division) puis ils sont passés à six en 2018. Enfin en 2019, pour la première fois quatre jeunes étaient inscrits dans la liste complémentaire de l’équipe MLS en plus des trois avec Philadelphia Union II en USL. La consécration de la formation de l’Union arrive en 2020 avec ses sept joueurs formés au club dans l’équipe MLS où tous ont joué au moins un match durant la saison !
Sur les sept joueurs « homegrown » du club en 2020, certains se sont clairement démarqués aux yeux de la MLS et de l’Europe quand d’autres le feront prochainement ! De gauche à droite : McKenzie, de Vries, Fontana, Freese, Real, Turner et Aaronson. (Crédit photo : @PhilaUnion))
Pas étonnant donc qu’en 2020 Philadelphia Union ait été nommé seconde équipe possédant la meilleure académie du pays derrière celle du FC Dallas grâce à l’YSC Academy et Philadelphia Union II (anciennement nommé Bethlehem Steel). C’est là qu’a été formé Brenden Aaronson qui va s’envoler à RB Salzburg en janvier 2021 pour un montant-record pour un joueur « homegrown » (6M$ + 3M$ de bonus et clause de 10/20% à la revente) après seulement deux saisons (dont une complète) en MLS. Il est maintenant un modèle et surtout un exemple à suivre pour les joueurs de sa génération.
👥 Un Aaronson peut en cacher un autre !
🌟 Et si après le départ de Brenden Aaronson 🇺🇸 (20 ans le 22/10/20) de #DOOP la solution de son remplacement venait de son frère Paxten Aaronson 🇺🇸 (17 ans) qui joue au même poste de milieu offensif (joue aussi attaquant) à #DOOP II ? ⤵️ pic.twitter.com/RxipbtzcC8— La MLS en Français 🇺🇸🇨🇦🇫🇷 (@MLS_FRA) September 26, 2020
Mais on le sait, un effectif qui ne comprend que des jeunes joueurs, aussi talentueux soient-ils, n’est pas viable sportivement pour un club. Et ça, l’Union l’a bien compris en recrutant sans cesse de façon intelligente, loin des mercatos bling-bling de certaines équipes mais toujours avec le but d’encadrer ses jeunes joueurs avec réussite.
L’alchimie prend avec l’expérience !
Pour une équipe comme Philadelphia Union, la réussite de la saison 2020 est l’aboutissement d’une expérience accumulée au sein du club (depuis 2010) mais aussi grâce à l’expérience de ses joueurs et d’un entraîneur, Jim Curtin, qui connaît parfaitement son environnement.
🧢 Jim Curtin est donc nommé « entraîneur de l’année » !
📊 Avec #DOOP cette saison c’est :
📈 Un bilan de 12 victoires, 4 nuls et 4 défaites en 20 matchs en 2020.
🏟 Un record de 9 victoires en 9 matchs à domicile.
❌ Meilleure défense.
🏆 Un 1er trophée : Le Supporters Shield. pic.twitter.com/U0yFV1mXe9— La MLS en Français 🇺🇸🇨🇦🇫🇷 (@MLS_FRA) November 17, 2020
Jim Curtin n’a connu que Philadelphie comme équipe en tant qu’entraîneur et y a fait toutes ses classes de l’Académie (2010-2012) à l’équipe MLS (depuis 2014) en passant par le poste d’entraîneur adjoint (2012-2014) auprès de John Hackworth. Il n’est donc étonnant qu’avec un projet qui se construit sur le long terme, l’entraîneur qui connaît ses jeunes car il les a côtoyés durant leur formation ait du temps pour que les résultats arrivent avec le temps.
On peut ajouter à tout cela le recrutement intelligent d’un staff qui travaille à la manière de ce que font les équipes Red Bull, le directeur sportif (Ernst Tanner) depuis 2018 et le directeur de recrutement (Benjamin Ehresmann) depuis 2019 venant tout droit de RB Salzburg et RB Leipzig. Ce n’est peut-être finalement pas un hasard si Brenden Aaronson rejoindra le club Autrichien de la filiale Red Bull durant l’hiver 2021 !
Parmi les meilleures recrues de Philadelphie, on peut citer Kai Wagner (23 ans), un arrière gauche Allemand totalement inconnu acheté à Würzburger Kickers (3ème division allemande) en 2019 et titulaire indiscutable, le Jamaïcain Andre Blake (30 ans, meilleurs gardien MLS 2016 et 2020), le Brésilien Ilsinho (30 ans) recruté libre et régulier dans les bonnes performances ou encore l’Américain Alejandro Bedoya (33 ans), capitaine expérimenté recruté en 2016 qui encadre tout ce beau monde jeune et moins jeune !

La liste est trop longue mais on ne peut pas oublier de citer un Français qui a marqué l’histoire de Philadelphie : Sebastien Le Toux. Arrivé (de Seattle Sounders) en 2010 lors de la Draft d’expansion, il enchaîne les saisons et les buts (meilleur buteur de l’équipe en 2010, 2011 et 2014) et devient le meilleur buteur (57) et deuxième joueur avec le plus grand nombre de matchs joués (193). C’est une véritable Légende à Philadelphia Union !
Maintenant à la retraite, il m’explique l’évolution de l’équipe de ses débuts en 2010 à celle que l’on connait actuellement :
« En 2010, c’est vrai que Philadelphia Union n’avait pas beaucoup d’infrastructure. Je me rappelle, on n’avait pas encore de centre d’entraînement, de stade, on s’entraînait à droite à gauche sur des terrains à côté de Chester (ville à côté de Philadelphie) donc c’était assez dure mais c’est vrai que maintenant, l’équipe a des terrains pour s’entraîner, un bon centre d’entraînement, le stade est finit et construit, beaucoup de sponsors arrivent c’est vrai qu’il y a beaucoup beaucoup plus de choses qui sont mises en place pour faire réussir l’équipe et y’a beaucoup plus de moyens que ce qu’on avait en 2010 pour réussir ! On peut aussi parler de l’Académie qui a prit forme je crois en 2010/2011 et qui maintenant commence à produire beaucoup plus de joueurs ! »

Toute cette alchimie : la jeunesse, le talent, l’expérience et même l’entraîneur font de Philadelphia Union l’un des clubs les plus discrets, mais surtout des mieux structurés de la Ligue. Les résultats sportifs peuvent témoigner de la réussite de leur modèle : en 2016 et 2018, ils se qualifient pour le 1er tour des play-offs après des campagnes ratées de 2012 à 2015 et arrivent jusqu’en demi-finale de conférence en 2019 avant de remporter le Supporters Shield l’année suivante, trophée récompensant la meilleure équipe de la saison régulière ! De belles années attendent donc « normalement » (car oui on est en MLS, tout reste possible) l’équipe de Jim Curtin et ses joueurs.
9 commentaires
Bon résumé de ce qui a fait le succès d’une des équipes les plus agréables à voir jouer cette saison. Tout fonctionne à Philadelphie : l’Académie bien sûr, le recrutement est incroyable (Przybylko et Wagner c’était des noms pas du tout ronflants et ils ont excellents, Glesnes pour le moment est bon ce qui est assez rare pour un défenseur venant de Scandinavie), le coach qui a imprimé sa patte doucement mais sûrement, les cadres que sont Blake, Bedoya, Gaddis, Ilsinho remplissent pleinement leur rôle…
(je ne sais pas si la première partie de mon message a été enregistrée)
L’arrivée de Ernst Tanner a fait un bien fou à un club historiquement pas très bien géré. Par exemple tu parles de Le Toux mais son transfert à Vancouver avait fait grincer des dents à l’époque, et Philly à une époque était extrêmement moqué pour sa gestion calamiteuse de ses gardiens (notamment un certain Algérien qui a bloqué l’éclosion de Blake…).
(bon bah a priori mon premier message n’est pas passé)
Bon article qui résume bien comment Philadelphie est devenue non seulement l’une des meilleures équipes de MLS, mais également l’une des plus agréables à voir évoluer. Tout fonctionne à Philly : l’Académie bien sûr, le recrutement est incroyable (Przybylko et Wagner étaient complètement inconnus en arrivant, Glesnes a le mérite d’être plutôt bon ce qui est assez rare pour un défenseur venant de Scandinavie), le coach qui arrive finalement à imprimer sa patte, les vétérans Blake, Bedoya, Gaddis et Ilsinho sont exemplaires…
Je trouve que tu t’appuies sur beaucoup trop de lu autre part, ce n’est pas du journalisme. L’équipe de beFoot ferait mieux de regarder de plus près tes articles, je peux situer plusieurs références à d’autres articles, bon résumé quoi…
Du « lu autre part » alors que jamais personne n’a traité ce sujet ni en anglais et encore moins en français comme tous les sujets que j’écris ? Elle est bien bonne celle-là tiens 🥲
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Combien de fois ai-je lu cet article en anglais, l’auteur est un spécialiste du genre ! Bravo pour la traduction Arnaud, vive RSL ❤
J’ai pas trop compris le rapport mais merci 🥲