Vous vous souvenez de l’épopée de l’Olympique de Marseille en Europa League lors de la saison 2017-2018 ? Ils avaient atteint la finale après avoir éliminé RB Leipzig (3-5) puis RB Salzburg (2-3) respectivement en quart et demi-finale ! Depuis cette élimination, le club allemand et autrichien éblouissent de plus belle dans leurs championnats respectifs ainsi qu’en Ligue des Champions. Et cette tendance s’accroît saison après saison !
Red Bull est une société Autrichienne fondée en 1984 connaissant plus de 6 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2018. Depuis 2005 et l’acquisition d’Austria Salzbourg, elle se développe dans le football avec une réussite certaine ! Quels sont les secrets de cette réussite ? Éléments de réponse !
Une filiale bien huilée
Comme nous le savons tous, Red Bull GmbH est une société spécialisée dans les boissons énergisantes et très actives en matière de sponsoring et marketing. Déjà présent principalement dans la Formule 1 et les sports extrêmes, la marque Autrichienne a décidé au début des années 2000 de se diversifier grâce au sport le plus populaire et médiatique au monde : le football. Mais la démarche n’est pas uniquement marketing mais bien un vœu de développement humain et sportif.
« Ce que je veux quand j’investis quelque part, dans une discipline ou un événement sportif, c’est être responsable de A à Z, du succès ou de l’échec, le cas échéant. Où est l’intérêt de s’engager dans le foot si c’est juste pour coller le logo Red Bull sur le maillot des joueurs ?«
Explique Dietrich Mateschitz (co-fondateur de la société Red Bull) à l’Equipe.
Ainsi fort logiquement, c’est en Autriche que l’expansion débute, non sans difficultés. En 2005, la marque aux taureaux rachète la licence du club de Bundesliga de l’Austria Salzbourg et renomme le club Red Bull Salzbourg. Cependant, certains groupes de supporteurs n’ayant pas apprécié le changement total d’identité (nom, logo, couleurs) ils refondèrent le club initial pour repartir au bas de l’échelle. Pendant ce temps, le nouveau club gardera l’histoire du club initial et marche littéralement sur le championnat autrichien. À partir de la saison 2017-2018, ils sont forcés de changer de logo étant donné que deux clubs de football ne peuvent pas être représentés par le même propriétaire en Ligue des Champions.
En 2006, Red Bull conquit ensuite l’Amérique pour s’installer à New-York. En Major League Soccer, New-York MetroStars fait partie des dix premières franchises du championnat Nord-Américain qui débute en 1996. Le club devient alors les New-York Red Bulls et change aussi de logo. Grâce à ce nouvel investisseur, NYRB joue régulièrement les premiers rôles de sa Conférence en jouant même la finale du championnat (MLS Cup) en 2008. En 2010, le club réalise même un gros coup en faisant venir des joueurs comme Thierry Henry et Rafael Marquez puis Tim Cahill, ou encore Juninho en 2012 !
Souhaitant ensuite s’installer dans le paysage allemand et peser un peu plus lourd sur la scène européenne, c’est au tour d’un tout petit club de cinquième division d’être racheté : SSV Markranstädt ! Le club est donc en 2009 renommé comme les autres clubs, à l’image de la marque : RasenBallsport (RB) Leipzig. Pourquoi « RasenBallsport » (sport de ballon sur gazon) et pas Red Bull comme à chaque fois ? Tout simplement car en Allemagne un club ne peut pas porter le nom d’une entreprise. Mais avec le diminutif RB Leipzig, on y voit que du feu.. Résultat : environ 100 millions d’euros investit et quatre montées en 7 ans plus tard, voilà le club en Bundesliga ! Du foot business à l’état pur.
Enfin, en 2011 le club du FC Liefering (2ème division Autrichienne) est racheté afin qu’il serve de réserve à RB Salzbourg.
En définitive, la marque à la boisson énergétique s’est installée dans le paysage footballistique grâce à ces trois clubs au maillots et logos quasiment identiques. Leur but est clairement de développer des joueurs achetés peu cher, les faire grandir et éventuellement les revendre au prix fort.
Une stratégie précise : la formation !
Le cœur du projet Red Bull est la formation. Et elle se fait grâce à un homme que l’on connaît bien : Gérard Houllier. L’ancien DTN (Directeur Technique National) de l’Equipe de France et entraîneur de Liverpool et Lyon est depuis 2012 une pièce maîtresse du système de détection ! Il a notamment fait venir dans « ses » clubs des joueurs comme Sadio Mané (Metz) ou Naby Keita (FC Istres) pour en faire les joueurs de Liverpool que l’on connait grâce à un réseau de scouts très compétents avec un coup d’avance concernant la détection.
« J’ai mes réseaux, mais je ne vais pas vous révéler mes secrets. Ce qui est sûr, c’est qu’ils ne se trompent pas souvent, ils ont un système de détection très pointu et ils vérifient tout. C’est probablement le meilleur système en Europe ».
Gérard Houllier dans Le Phocéen
Et cette formation de joueurs d’avenir permet évidemment d’instaurer une certaine philosophie tout en faisant progresser sportivement des équipes qui à la base n’étaient pas destinées à jouer les premiers rôles. Par exemple, un club comme RB Salzbourg jouait systématiquement le milieu de tableau avant son rachat. Depuis 2005, c’est dix titres de champion sur les treize remportés ce qui en fait le troisième club le plus titré d’Autriche. Les joueurs progressent en même temps qu’ils font grandir leur club.
“C’est une philosophie. Pour eux, c’est développer et former des jeunes, à l’image de ce qui s’est fait en Formule 1. Sebastian Vettel, c’est un produit Red Bull depuis l’âge de treize ou quatorze ans. Le prototype, c’est plus Leipzig qui a été pris à partir de rien et qui est en D3 avec l’objectif D2, D1 puis Ligue des Champions. La philosophie Red Bull est de former, de développer, de construire et, bien sûr, d’innover dans ce domaine-là. Dans le jeu, l’accent est plus mis sur le jeu en possession. Gagner mais avec style, en faisant le spectacle. Ne pas gagner n’importe comment, gagner en prenant des risques par exemple.”
Gérard Houllier parle de l’identité Red Bull sur DH.net (2013)
La liste des joueurs détectés et/ou formés par Red Bull pour être (ou non) revendu s’allonge chaque année et en fait des effectifs aussi jeunes que talentueux :
- Red Bull Salzbourg a acheté pour 5.5M€ Sadio Mané et Naby Keita et les a revendus au total environ 53M€. A noter que Keita a été vendu à Leipzig qui a fait une grosse plus-value sur son départ à Liverpool. Sont aussi passés entre les mains du club Autrichien des joueurs comme Caleta-Car (OM pour 19M€), Dabbur (FC Seville pour 17M€) ou encore Samassékou (Hoffenheim pour 12M€).
- RB Leipzig a donc de son côté acheté Naby Keita pour 29.75M€ pour le revendre 60M€ mais a aussi compté dans ses rangs Joshua Kimmich avant qu’il débarque au Bayern Munich ou encore Bernardo pure produit Red Bull transféré à Brighton en Premier League.
- New-York Red Bulls de son côté possède moins de moyens en MLS mais possède un centre de formation performant qui a permis à Tyler Adams par exemple d’atterrir à Leipzig après avoir brillé aux Etats-Unis !
New-York Red Bulls : La formation, nouveau modèle de recrutement !
Article disponible sur le site de Weeplay.
Ce système de formation donne des chiffres assez éloquents concernant les clubs Red Bull dans leurs championnats respectifs : Leipzig est l’équipe la plus jeune de Bundesliga depuis son arrivée dans l’élite, Salzbourg une des deux équipes les plus jeunes de Tipico Bundesliga depuis 6 ans et New-York a l’effectif parmi les plus jeunes de la Major League Soccer depuis la saison 2018 ! Et pourtant malgré cette jeunesse, les résultats sportifs sont là comme le prouvent surtout les deux clubs européens.
Mais la stratégie de récupérer des joueurs avant qu’ils signent leur premier contrat professionnel considéré comme agressive dérange. C’est surtout le cas concernant de nombreux jeunes joueurs français. Les scouts « doublent » les centres de formations en proposant des offres financières très attractives qu’ils ne peuvent refuser et tout ça, dans le dos des clubs intéressés (Sochaux pour Konate, Valencienne pour Upamenaco pour les exemples les plus marquants). La suite ? « Red Bull donne des ailes » prend tout son sens ! Leurs cellules de développement étant performantes , la côte des jeunes joueurs à fort potentiel explose et la valeur marchande des Français cités est maintenant proche des 100M€ à eux deux alors qu’ils sont arrivés libres… De quoi se donner une sacré marge financière afin de réitérer ce processus !
Red Bull, une grande famille pleine d’avenir !
Signer pour Leipzig, Salzbourg ou même New-York (dans une moindre mesure), c’est aussi et surtout signer pour l’entité Red Bull. Ce sentiment d’appartenir à une grande famille permet aussi de fidéliser les joueurs malgré les sirènes de gros clubs. L’exemple le plus flagrant est le buteur allemand Timo Werner. Recruté pour « seulement » 14M€ alors qu’il en valait 8 millions en juillet 2016, il cumule à 23 ans 84 buts et 36 passes avec en 138 matchs avec RB Leipzig. Des statistiques folles à faire pâlir n’importe quel buteur européen et surtout attirer les convoitises. Mais malgré les renseignements et offres du Bayern Munich, Liverpool ou bien Chelsea (pourtant des clubs avec des moyens NDLR), l’international allemand (29 capes) est toujours dans son club. En parlant de crack tiens, n’oublions pas de citer le buteur norvégien qui affole l’Europe : Erling Haaland (19 ans) ! Recruté pour une poignée de cacahuètes (5 millions d’euros) à Molde FK, il a une côte phénoménale seulement quelques saisons à RB Salzbourg notamment en Champions League ! Vente historique ou performances sur le moyen/long terme chez Red Bull ? Dans tous les cas en quelques matchs, il aura donné des ailes à son club !
Le fait que la société Red Bull relie ses clubs entre eux, (et on le voit avec Liefering qui est une sorte d’antichambre avant l’élite), permet aussi de plus en plus l’échange interclubs. En janvier 2019, Tyler Adams (19 ans) le joueur américain le plus prometteur de New-York a signé pour un montant dérisoire à Leipzig. C’est d’ailleurs Jesse Marcsh qui l’a découvert. L’ancien entraîneur américain est l’exemple parfait de ce vœu de faire progresser son personnel. Après trois saisons et demies en MLS à New-York Red Bull, il découvre l’Europe et part à RB Leipzig afin d’assister Ralf Rangnick (ancien directeur sportif de RB Salzbourg et maintenant responsable des relations internationales et de la détection de RB New-York NDLR) en juillet 2018. Maintenant, Marsch brille en Autriche du côté de RB Salzbourg où il est l’entraîneur principal à seulement 46 ans.
Ce processus et cette perspective d’évolution au sein du groupe est bénéfique pour tous les parties : les clubs qui recrutent à moindre coup, revendent au prix fort, et font évoluer les pépites entre le club Américain, Allemand et Autrichien. Cela permet aux clubs d’utiliser le meilleur de leurs joueurs et à ceux-ci de se montrer aux yeux de l’Europe et des meilleurs clubs.
Avec un projet aussi serein sportivement que financièrement, il ne serait pas fou d’imaginer qu’à l’image du City Group, Red Bull s’exporte ailleurs en Europe et dans le monde. Il existe déjà une filiale purement destinée à la détection et la formation au Brésil (Red Bull Brasil) et au Ghana (Red Bull Ghana disparu en 2014) qui permettent d’être présent en Amérique du Sud et en Afrique. Et comme partir de rien pour atteindre les sommets est leur marque de fabrique, ils pourraient très bien racheter un petit club espagnol ou anglais des divisions inférieures afin de lui faire grimper les échelons pour ensuite titiller des Real Madrid, FC Barcelone ou Manchester City…
3 commentaires
Il faut noter que le Red Bull Bragantino (Brésil) vient d’être champion de la championnat brésilien série B (deuxième division) et un fort candidat d’être parmi les premiers au fin de l’année 2020.
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