Si un club peut pleinement profiter de l’arrêt de la Ligue 1 édition 2020, le Stade de Reims est peut-être le mieux placer pour en parler. Relégué en 2017 malgré une ultime victoire contre l’OL à Auguste Delaune, voilà aujourd’hui le nouveau Reims : un pied en Ligue 1, l’autre en Europa League. Une qualification européenne permise grâce à une belle cinquième place pas volée, devant Nice, Montpellier ou Lyon, mais qui cache un profond travail interne qui dure depuis quelques année maintenant. Analyse des ingrédients de la recette magique rémoise, avec le premier élément : l’entraîneur David Guion.
L’ascension rapide
Au milieu des quinze entraîneurs français assis sur nos bancs de Ligue 1, David Guion, sans se faire remarquer au grand public, est devenu l’un des rouages essentiels de la machine rémoise. C’est pourtant huit ans plus tôt, en 2012, que l’entraîneur âgé de 52 ans pose ses valises à Reims pour en prendre la tête du centre de formation.
Un passage presque obligatoire pour lui, comme il l’explique à Onze Mondial :
« Pour moi, ça a toujours été clair, je voulais passer par la case formation. Je voulais d’abord maîtriser l’individu et la formation, le bonifier, le faire progresser pour exploiter tout son potentiel. (…). J’ai toujours pensé que la personne la plus importante d’un club était le directeur du centre de formation. C’est lui qui impulse la politique sportive, l’identité. »
Il effleurera les professionnels une première fois en tant qu’intérimaire en 2016 suite à l’éviction d’Olivier Guégan, puis prendra définitivement le poste d’entraîneur principal un an plus tard, en 2017. A cette époque là, Reims termine septième de Ligue 2. David Guion compte relever le défi le défi de ramener les rémois dans l’élite. Il lui faudra seulement un an pour réussir ce pari puisque son club survole la Ligue 2 avec 88 points au compteur.
Un titre de champion en poche, en plus du titre du meilleur entraîneur de Ligue 2, David Guion peut s’envoler sereinement en Ligue 1. Reims se maintient assez largement en 2019, et accroche une belle 8ème place pour son retour dans l’élite.
La minutieuse flexibilité
« Le but est d’arriver à cette flexibilité tactique pour basculer d’un schéma à un autre »
Onze Mondial
Alors quelle est la potion secrète qui a guidé David Guion jusqu’ici ?
C’est en fouillant dans ses interviews qu’on en apprend un peu plus sur lui. Comme n’importe quel entraîneur, son approche avec les joueurs est divisée en deux : d’un côté ce qui se passe sur le terrain, et de l’autre, ce qui se passe dans la tête de ses hommes. L’approche tactique de David Guion repose au final sur un grand principe, celui de flexibilité. Sa capacité à rapidement s’adapter est presque devenu une obligation depuis qu’il est en Ligue 1 :
« [En Ligue 1], il faut réagir beaucoup plus vite en cours de match. Il faut être très réactif, car les équipes changent plus vite de système. Il faut aller très vite, il faut avoir une gymnastique plus flexible en Ligue 1 qu’en Ligue 2 ».
Cette flexibilité se ressent d’abord sur le terrain ; les positions ne sont jamais figées et Reims surprend nombre de ses adversaires, comme en témoignent les victoires contre Paris, Marseille, Lille et Rennes. L’adaptation est donc le cœur du projet Guion, c’est de cette manière qu’il conçoit et projette son équipe :
« Le but est d’arriver à cette flexibilité tactique pour basculer d’un schéma à un autre ou lorsqu’on constate un point faible chez l’adversaire être tout de suite en capacité de faire mal. L’objectif, c’est de responsabiliser les joueurs, de les rendre autonomes. »
Cependant, faute de moyens ou non, l’entraîneur manceau de naissance ne fait pas du Guardiola. Il ne recherche pas la flexibilité extrême. Il est conscient des limites de son effectif et ne va pas pousser son équipe sur trois voire quatre systèmes différents, ce qui porterait préjudice à sa manière de jouer. Une limite que l’on retrouve dans les chiffres : sur ses 28 matchs de Ligue 1, Reims a débuté 20 fois en 4-2-3-1, et 28 fois avec une défense à quatre. David Guion l’avait d’ailleurs justifié :
« La seule chose immuable depuis un an et demi, c’est la défense à quatre. Pour l’instant, je n’estime pas mon équipe assez mûre pour jouer à trois. »
Au-delà des systèmes de jeu qui restent globalement identiques, il garde également une base de six ou sept joueurs, vectrice des principes du coach rémois. Pour illustrer, sept joueurs de l’effectif comptent au moins 20 titularisations sur les 28 matchs joués.
La tête avant les pieds
Si David Guion arrive à imposer ses idéaux, c’est en partie grâce à son remarquable management. L’entraîneur prend beaucoup de recul sur son travail.
D’une manière publique chaque semaine dans les médias et, d’une manière plus individuelle avec son staff et son vestiaire. Ses discussions privées couplées de l’approche psychologique demeurent un travail primordial pour lui :
« Je reste inflexible sur l’état d’esprit et les valeurs véhiculées […] Plus nos moyens seront forts et ancrés, plus on aura de chances de parvenir aux résultats. C’est pour ça que l’état d’esprit demeure essentiel. »
Une qualité remarquée par son propre staff, Stéphane Dumont, son adjoint, qui déclarait :
« Il prend beaucoup de recul. Il est dans l’analyse, le cérébral« .
Tristan Dingomé, meneur de jeu rémois, soulignait également :
« Il attache aussi beaucoup d’importance à la préparation mentale.«
Une préparation qui porte ses fruits puisque Reims s’élève à la première place au classement de la meilleure défense du championnat, avec trois buts encaissés en moins que Paris. Synonyme d’une équipe confiante, et convaincue de ses fondamentaux.