Pour certains, le football est une bénédiction, pour d’autres c’est une histoire de famille. En ce qui concerne les Reyna, entre le père Claudio grand joueur américain et la mère Danielle Egan joueuse internationale de la même nationalité, le fils Giovanni ne pouvait y échapper.
Attardons-nous sur le père et le fils. Le premier est considéré comme l’un des plus grands joueurs de son pays, le second comme l’une des plus grandes promesses de sa génération ! Alors comment cette famille est-elle devenue le porte drapeau des États-Unis en Europe bien aidé par un championnat qui attire toujours plus d’Américains ?
Je vous explique tout ça.
Au nom du père (Claudio)…
Thomas Dooley. Ce nom ne vous dit peut-être rien mais il est important car c’est le premier joueur Américain à avoir évolué dans un championnat majeur européen. Né d’une mère Allemande et d’un père Américain de l’US Army, il fait ses premiers pas professionnels au FC 08 Hombourg. En 1986 à 25 ans, il monte avec son équipe en Bundesliga avant de partir au FC Kaiserslautern. Avant lui, deux autres compatriotes avaient évolué l’un en Série A (Armando Frigo à la Fiorentina en 1939) et l’autre en Bundesliga (Wolfgang Sühnolz au Bayern Munich en 1970) mais à l’époque, la notion des « championnats majeurs » n’était pas vraiment d’actualité.
Mais quel est le rapport avec notre sujet vous demandez-vous ? C’est tout simplement qu’après son aventure dans l’élite allemande pleine de réussite, d’autres joueurs comme David Wagner (maintenant entraîneur de Schalke 04) et Eric Wynalda ou encore Claudio Reyna lui ont emboîtés le pas. Mais parmi les huit joueurs du pays de l’Oncle Sam qui ont été les pionniers de ce mouvement (tous en Allemagne), le dernier cité aura été de ceux qui ont le plus marqué cette tendance.
En 1994, le jeune milieu de terrain Américain Claudio Reyna découvre à la fois la sélection nationale et la Bundesliga à seulement 20 ans après le recrutement du Bayer 04 Leverkusen. Le club avait alors terminé 3ème en championnat la saison précédente. Ce transfert intervient après la Coupe du Monde 1994 aux Etats-Unis à laquelle a participé Reyna, bien que celui-ci n’ai finalement pas joué à cause d’une blessure.
Après une saison blanche de match, il alterne entre une place de titulaire et les tribunes mais ne jouera tout de même pas beaucoup. Finalement, il est prêté au VfL Wolfsburg où il peut enfin libérer son côté créatif et gagner en temps de jeu et même… le brassard de capitaine ! Il devient alors le tout premier joueur Américain à devenir capitaine d’un grand club européen.
Une saison et demi aura suffit pour que son nom circule en Europe et notamment en Ecosse chez le club le plus titré du pays et champion en titre : Rangers FC, en 1999-2000 ! Milieu offensif en Allemagne, il se voit reculer d’un cran en Scottish Premier League et évolue donc milieu relayeur dans le cœur du jeu. Dès sa première saison et avec le numéro 12 sur le dos, il inscrit un but lors du 3ème tour de qualification qui permettra d’éliminer le grand Parme FC de Buffon, Thuram, Crespo ou encore Di Vaio vainqueur de la Coupe UEFA la saison précédente !
Ce 1er et seul but en Ligue des Champions, personne ne l’a oublié, ni les supporters, ni le joueur et il en parle encore aujourd’hui avec fierté dans le Glasgow Times :
« Je me souviens du niveau de bruit ce jour-là et je ne l’oublierai jamais, ça me donne la chair de poule rien que d’y penser. Ils en parlent encore, c’était un moment spécial où nous affrontions les meilleurs joueurs, les meilleures équipes d’Europe et ils n’ont pas eu ça depuis un bon moment. »
Après son passage à Glasgow couronné de succès avec un titre national et une coupe en poche, il est transféré à Sunderland AFC et découvre la Premier League. Mais miné par une blessure au ligament qui l’éloigne des terrains toute la saison, son expérience à presque trente ans manque à son équipe lors de la saison 2001-2002 et il ne peut empêcher la relégation en First Division (nom de la 2ème division anglaise jusqu’en 2004).
Suite à cette descente, il se trouve très courtisé en Angleterre et son nom circule sur les tablettes de plusieurs clubs dont Fulham FC et Manchester City. Chez les Cottagers, il aurait pût jouer avec ses compatriotes en sélection Carlos Bocanegra (2003-2008) et Brian McBride (2004-2008). Mais malgré des discussions avancées avec le club du sud-ouest de Londres, il privilégie finalement un départ vers Manchester City et s’en explique :
« J’ai parlé à beaucoup de gens et neuf personnes sur dix m’ont dit que City était le meilleur endroit où aller. Du point de vue du football, il n’y avait pas grand-chose mais j’ai fait le bon choix. »
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A son départ de Manchester City en 2007, il fait partie des joueurs Américains à être resté le plus longtemps en Europe (12 ans et demi), avec plus ou moins de réussite pour sa part, mais il aura ouvert la voie à d’autres joueurs de son pays et se sera surtout fait un nom dans le paysage européen.
Pour boucler la boucle, il rejoint à 35 ans le championnat et sa ville de naissance pour évoluer à New York Red Bulls fraîchement racheté par la firme à la boisson énergisante. C’est alors un gros coup pour la première franchise basée dans le New Jersey qui le fait signer comme Joueur Désigné. Et en 2007, la règle permettant de faire signer un joueur avec un contrat plus élevé que la limite autorisée (le salary cap) vient d’être créée pour faire venir David Beckham du Real Madrid. Claudio Reyna est donc le deuxième joueur en Major League Soccer à bénéficier de cette règle.
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L’international aux 114 sélections (10ème joueur le plus capé) avec les Etats-Unis prendra ainsi sa retraite à 35 ans avec dans ses bagages trois trophées (1 championnat et deux coupes d’Ecosse avec Glasgow Rangers) et cinq maillots portés en plus de l’étendard Américain à travers l’Europe.
Mais le père Reyna et le foot, ne s’est pas terminé pour autant à ce moment-là ! En quittant Manchester City pour la MLS, il garde toujours un lien avec son dernier club européen à tel point qu’en 2010, la Ligue nord-américaine annonce l’arrivée d’une seconde équipe à New York, celle de New York City FC qui arrive pour la saison 2015. En 2013, Claudio devient alors le premier employé de l’équipe affiliée à Manchester City en Premier League via le City Football Group en occupant le poste de directeur sportif ! Ce poste lui a permis entre autres d’avoir la responsabilité de recruter personnel et joueurs tout en s’occupant du processus d’intégration de NYCFC dans la MLS comme équipe d’expansion. C’est pour cela qu’en 2015, il fait intégrer son fils à l’académie du club.
Les équipes d’expansion, il en connaît le processus. On l’a vu à New York. Et l’ancien milieu de terrain a donc décidé de réitérer l’expérience avec Austin FC qui sera la 27ème équipe en 2021 où il y aura le même rôle.
Après avoir marqué de son emprunte l’Europe en tant que joueur, Claudio Reyna a l’air bien décidé à faire évoluer et progresser la Major League Soccer en accompagnant les franchises d’expansion de leur création à leur avancée dans le championnat.
Et du fils (Giovanni)…
Giovanni Alejandro Reyna est né le 13 novembre 2002 à Sunderland lorsque son père évoluait pour la première fois en Premier League. Né en Angleterre, d’origine Portugaise et Argentine de ses grands-parents et Américaine de ses parents, son choix de sélection à un moment été sujet à controverse mais c’est bien les Etats-Unis qu’il choisit de représenter dès les U15 en avril 2016.
Formé à New York City FC où il grimpe toutes les catégories de U17 à U19, il est alors considéré comme la plus belle promesse de son équipe et ce n’est pas passé inaperçu par le Borussia Dortmund qui sait repérer les jeunes talents. Il a fini par taper dans l’œil du directeur de l’académie de Dortmund Lars Ricken.
« Giovanni Reyna est le fils de l’ancien joueur de Bundesliga Claudio Reyna. Il joue au milieu de terrain central et est sans aucun doute un énorme talent. Nous sommes ravis qu’ils aient opté pour le Borussia Dortmund. Tout le monde au BVB est convaincu que ces deux transferts sont très prometteurs » (NDLR il arrive en même temps que Bradley Fink un jeune attaquant Suisse qui lui joue toujours chez les U19)
Son arrivée en Europe alors qu’il est toujours mineur (16 ans) est dû au fait qu’il possède un passeport portugais en raison des liens de sa grand-mère paternelle avec le pays, ce qui lui permet d’éviter d’avoir à attendre ses 18 ans pour déménager à l’étranger comme ses compatriotes Américains doivent le faire comme le veut un des règlements de la FIFA.
De 2016 à 2019, le club Allemand a accueilli un premier prodige Américain dans son effectif en la personne de Christian Pulisic. L’année de son départ et comme un symbole, un autre crack tout aussi talentueux rejoint l’équipe première et son nom est très connu des suiveurs européens, il s’agit de Reyna, Giovanni de son prénom !
Avec un père qui a joué quasiment toute sa carrière en Europe y compris en Allemagne, il était assez logique que le fils suive ses traces notamment en Bundesliga qui est une terre d’accueil plus que propice pour les Américains.
Par la suite, tout s’enchaîne pour lui. Après avoir brillé en UEFA Youth League Ligue des Champion des jeunes) avec quatre buts et une passe en 4 rencontres, il devient à 17 ans et 66 jours, le 18 janvier 2020 le plus jeune Américain à apparaître en Bundesliga. Ce record de précocité bat un même record précédemment établi par… Pulisic !
Évoluant au poste de milieu offensif mais pouvant aussi jouer sur l’aile gauche, il dispute lors de la seconde partie de saison dix-sept matchs dont deux titularisations. Le talent est là et la motivation aussi comme il l’explique à l’aube de la saison 2020-2021 qui sera celle de son éclosion ou plutôt de sa confirmation :
« La chose la plus importante pour moi est la confiance, que j’ai beaucoup acquise au cours des six dernières semaines en pré-saison », a déclaré Reyna aux journalistes. « Je vais bien, je me suis rapproché de beaucoup de gars. Ils m’ont vraiment accepté maintenant et ils s’attendent à ce que je passe une grande saison pour eux aussi. Je pense simplement que la confiance est la plus grande chose qui s’est améliorée pour moi »
A Dortmund, il aura beaucoup de concurrence à ses postes de milieu offensif ou ailier gauche meme s’il peut être associé à Marco Reus dans le 3-4-2-1 de Lucien Favre. L’avantage de l’entraîneur Suisse, c’est que beaucoup de ses joueurs sont polyvalent ce qui va lui laisser beaucoup de possibilités ! De toute façon, la saison sera longue entre blessures, suspensions, le championnat et les différentes coupes, il ne fait aucun doute que Reyna aura son rôle à jouer à partir de 2020-2021 avec pourquoi pas une première sélection avec les Etats-Unis en prime !
[THREAD] Aujourd’hui j’ai envie de me pencher sur un petit parallèle entre la 1ère saison professionnelle de Pulisic 🇺🇸 et celle Reyna 🇺🇸 à Dortmund afin d’analyser l’avenir que pourrait avoir le fils de Claudio ! ⤵️ pic.twitter.com/dnDIa8kc4i
— La MLS en Français 🇺🇸🇨🇦🇫🇷 (@MLS_FRA) June 1, 2020
Pour finir avec les chiffres, on peut noter d’après Transfermarkt qu’à seulement 17 ans, la valeur marchande de Gio Reyna est déjà élevée à 15M€ et vu son âge et sa marge de progression, son prix risque d’exploser d’ici quelques mois ! Ainsi, c’est le 16ème joueur le plus cher de l’effectif tout en étant le plus jeune derrière l’anglais Jude Bellingham (17 ans/27M€).
L’Allemagne comme tremplin Américain
Chaque saison, de nombreux joueurs originaires du pays de l’Oncle Sam se dirigent vers les différentes divisions allemandes, surtout en Bundesliga et 2. Bundesliga.
En plus de chiffres assez constants, les joueurs venant de la Major League Soccer attirent de plus en plus la curiosité des recruteurs avec des profils tels que Brenden Aaronson et Mark McKenzie (joueurs de Philadelphia Union) et ceux pour plusieurs raisons. Déjà comme expliqué dans l’article qui suit, entre les USA et l’Allemagne les relations sont bonnes aussi bien culturellement que sportivement. Mais en plus, la Bundesliga devient un tremplin pour d’autres clubs européens parmi les championnats principaux !
Ces Américains qui vivent le rêve allemand
Leur arrivée en Europe est régie par un souhait de s’imposer ailleurs qu’en MLS, ce qui leur donnera une meilleure visibilité pour être sélectionné en sélection nationale. Cet objectif s’est exacerbé depuis le terrible échec de l’USMNT à se qualifier pour la Coupe du Monde 2018 en Russie. À cette époque-là, la majorité des joueurs (pour ne pas dire la quasi-totalité) évoluaient dans leur championnat local. Maintenant pour se montrer aux yeux du sélectionneur, ils doivent se développer dans des championnats tel que l’Allemagne où il est plus facile administrativement d’entrer plutôt qu’en Angleterre par exemple car les permis de travail sont plus difficiles et long à obtenir.
Les championnats allemands et surtout la Bundesliga est donc un tremplin parfait pour les joueurs nord-américains afin d’ensuite évoluer dans des top clubs en Angleterre, Italie, Espagne et même pourquoi pas en France !
Dernièrement, ce sont deux des meilleurs jeunes qui ont quitté le Borussia Dortmund et Schalke 04 pour Chelsea et la Juventus Turin. Ces joueurs vous les connaissez, ce sont Christian Pulisic et Weston McKennie. Après être passé d’anonymes à joueurs clés, ils sont devenus des modèles pour chaque joueur qui souhaiterait s’essayer à une carrière en Europe notamment s’il vient du championnat nord-américain ! Cette trajectoire pourrait aussi être celle de Giovanni Reyna qui devrait attirer l’attention de gros clubs européens s’il confirme tous les espoirs placés en lui, tout comme l’avait fait son père avant lui 20 ans auparavant !