Lorsqu’on pense Ă une nation ayant remportĂ© un Euro, on pense souvent Ă la France, Ă l’Espagne, au Portugal, Ă l’Italie, Ă l’Allemagne… Autrement dit, aux sĂ©lections les plus importantes du vieux continent. Cependant, certaines sĂ©lections plus modestes se sont dĂ©jĂ invitĂ©s au palmarès, comme la Grèce en 2004 ou le Danemark en 1992. Ayant atteint les demi-finales de l’Euro 2020, presque 30 ans après son seul et unique titre majeur, retour sur le parcours incroyable des Rouges et Blancs lors de l’Euro 1992.
On entend souvent que « dans le football, tout est possible ». Il n’y a pas de meilleur dicton pour dĂ©finir le parcours du Danemark lors du Championnat d’Europe des nations de 1992, organisĂ© en Suède. Personne n’aurait misĂ© un kopeck sur une victoire finale des compatriotes de Nikolaj Coster-Waldau (connu notamment pour avoir interprĂ©tĂ© Jamie Lannister dans la sĂ©rie Game of Thrones). Plus que ça, personne n’aurait misĂ© un kopeck sur une qualification des Danois pour la phase finale. Plus encore, personne n’aurait misĂ© un kopeck sur une participation du Danemark Ă l’Euro 1992. En effet, une dizaine de jours avant le dĂ©but de la fĂŞte, les Rouges et Blancs n’y Ă©taient mĂŞme pas conviĂ©s.
L’invitĂ© surprise
Revenons sur le contexte : en 1990, Richard Møller Nielsen, dit « Ricardo » est choisi par la fĂ©dĂ©ration danoise de football pour diriger l’Ă©quipe nationale. Loin d’ĂŞtre le premier choix, il a pour objectif de qualifier son pays pour l’Euro 1992. Se retrouvant dans un groupe de qualification composĂ© de l’Autriche, de l’Irlande du Nord, des ĂŽles FĂ©roĂ© et de la Yougoslavie, le Danemark ne peut faire mieux qu’une deuxième place derrière la Yougoslavie. Cela met fin aux espoirs du peuple danois, qui devra regarder l’Euro suĂ©dois depuis chez lui. En outre de cette Ă©limination, le climat interne est devenu dĂ©lĂ©tère durant cette phase de qualification : les frères Laudrup, stars de la sĂ©lection, dĂ©cident de se retirer de la sĂ©lection durant les qualifications, en raison de dĂ©saccords avec le sĂ©lectionneur. Cependant, Ricardo sera maintenu par la fĂ©dĂ©ration, en raison de bons rĂ©sultats durant les qualifications, bien qu’insuffisants pour se qualifier.
Toutefois, la situation gĂ©opolitique très complexe en Yougoslavie durant l’automne 1991 fait que des rumeurs concernant une possible exclusion de cette dernière commencent Ă courir, sans qu’elles ne dĂ©passent toutefois ce stade. Ă€ l’aube de la compĂ©tition, les joueurs danois prĂ©parent donc leurs vacances de leur cĂ´tĂ©, Ricardo ayant mĂŞme prĂ©vu de refaire sa cuisine durant la compĂ©tition. Cependant, le 30 mai 1992, le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations Unies va adopter une rĂ©solution qui va changer Ă tout jamais l’histoire du football danois : la rĂ©solution 757. VotĂ©e Ă l’unanimitĂ©, celle-ci va interdire tout commerce international, toute coopĂ©ration scientifique et technique, tout Ă©change culturel ou sportif et voyage de fonctionnaires de Yougoslavie. En adĂ©quation avec ces mesures, l’UEFA exclut la Yougoslavie de l’Euro 1992 et, comme le dispose le règlement de l’UEFA concernant le championnat d’Europe, repĂŞche le deuxième du groupe qualificatif, Ă savoir le Danemark.
C’est ainsi que les joueurs danois (parmi lesquels Brian Laudrup, qui a fait son retour entre temps, contrairement Ă son frère, Michael Laudrup) apprennent 10 jours avant le dĂ©but des hostilitĂ©s qu’ils vont disputer l’Euro en Suède. Loin d’ĂŞtre prĂ©parĂ©s comme les nations qualifiĂ©es, sans rĂ©els repères et avec la casquette de candidat dĂ©signĂ© Ă une Ă©limination prĂ©coce, les Danois vont Ă l’Euro avec pour objectif de faire bonne figure, dans un groupe particulièrement relevĂ©, composĂ© de la France, de l’Angleterre, et de l’organisateur suĂ©dois.
Plus qu’un trouble-fĂŞte
Le Danemark fait son entrĂ©e dans la compĂ©tition le 11 juin 1992, face Ă l’Angleterre. DonnĂ©e ultra favorite, l’Angleterre n’arrive pas Ă faire sauter le verrou danois. Au contraire, c’est le Danemark qui va se crĂ©er les occasions les plus dangereuses, devant une Angleterre dĂ©jouant totalement et bien moins impressionnante que ses hooligans. Aucun but ne sera marquĂ© dans ce match et le Danemark obtient le point du nul, ce qui est dĂ©jĂ une superbe performance face au demi-finaliste de la dernière Coupe du monde. Plus que cela, ce rĂ©sultat va apporter de la confiance aux joueurs de Ricardo qui, sans pour autant penser Ă une victoire finale, peuvent rĂŞver d’une qualification en demi-finales. L’Euro 1992 se jouant entre 8 Ă©quipes, les deux premières de chaque groupe Ă©taient qualifiĂ©es pour les demi-finales. Ce format, vu pour la dernière fois lors de cette Ă©dition de la compĂ©tition, est donc plus enclin Ă voir une Ă©quipe dĂ©frayer la chronique.
Pour sa deuxième rencontre, le Danemark affronte le pays hôte suédois. Dans le Stade Råsunda de Stockholm, ce derby scandinave livre un match serré, une vraie bataille du ballon rond. Pour finir, poussée par ses 30 000 spectateurs, la Suède l’emporte sur la plus petite des marges grâce à un but de Tomas Brolin. Au terme de ces 90 minutes, bon nombre d’observateurs et de supporters pensent que ce match signe la fin de l’aventure danoise. Les coéquipiers de Peter Schmeichel défient la France et doivent absolument l’emporter pour se qualifier. Favoris pour le titre avec l’Allemagne et les Pays-Bas, les tricolores semblent aborder un match largement à leur portée.
A la surprise générale, le Danemark ouvre rapidement le score par l’intermédiaire d’Henrik Larsen. Jean-Pierre Papin permet aux Bleus d’égaliser à l’heure de jeu mais à 10 minutes du terme, Lars Elstrup vient asséner le coup final aux hommes de Michel Platini permettant aux Rouges et Blancs de l’emporter 2-1. Cet échec cuisant pour la FFF poussera le triple ballon d’or a démissionné. A contrario, le Danemark est en fête. Dans le même temps, la Suède a vaincu les anglais, qui pouvaient toujours se qualifier en cas de victoire face au pays hôte.  Les danois ont réussi à s’extirper d’une poule plus que relevée et sont qualifiés pour les demi-finales de la compétition.
David contre Goliath
Dans le dernier carrĂ©, la Suède dĂ©fie l’Allemagne alors que le petit-poucet danois affronte les Pays-Bas, champions d’Europe en titre. A cette Ă©poque, les Oranjes prĂ©sentent une Ă©quipe de rĂŞve : Ronald Koeman, Dennis Bergkamp, Frank Rijkaard, Marco Van Basten ou encore Ruud Gullit sont titulaires pour la rencontre qui les oppose au Danemark. Avant la rencontre, le sĂ©lectionneur Richard Møller Nielsen dĂ©clare : « Je ne peux pas vous promettre qu’on va gagner ce match, mais je peux vous promettre que chacun des joueurs danois sur la pelouse donnera le meilleur. » Le tempo est donnĂ©, les Pays-Bas sont ultra favoris mais une nouvelle fois, le monde du football chancelle. Henrik Larsen ouvre le score avant que Bergkamp n’égalise. Le milieu danois s’offre ensuite un doublĂ©, poussant les Oranjes dans leurs retranchements, obligĂ©s de revenir au score. A 5 minutes du terme, Rijkaard amène le score Ă 2-2 et les deux Ă©quipes en prolongations. Aucun but n’est inscrit, direction les tirs au but. La sĂ©ance se termine sur le score de 5-4, le seul pĂ©nalty manquĂ© Ă©tant celui de Van Basten, arrĂŞtĂ© par Schmeichel, le Danemark est en finale de l’Euro ! Et la fĂŞte est loin d’être terminĂ©e…
Le dernier obstacle danois sera l’Allemagne, qui s’est imposé la veille face à la Suède (3-2). Pour cette ultime rencontre et pour ne pas changer, le Danemark rejoint le rectangle vert lourd de son rang d’outsider. Nous sommes le 26 juin 1992, jour où le football aura décidé d’écrire une nouvelle page de son Histoire. Après moins de 20 minutes de jeu, le Danemark parvient à ouvrir le score grâce à John Jensen mais est bousculé. Les allemands ont pris un coup derrière la tête, mais multiplient les assauts sur le but de Peter Schmeichel. Le gardien de Manchester United réalise un match XXL et permet à son équipe de garder son avantage au tableau d’affichage. Jouissants de réussite dans les deux surfaces, les danois vont inscrire un second but à la 78ème minute de jeu, par l’intermédiaire de Kim Vilfort.
Puis le coup de sifflet final retentit, le Danemark est champion d’Europe ! Alors qu’elle n’était même pas qualifiée, la troupe de Brian Laudrup ramène la coupe à ses 5 millions d’habitants.
Souvent pris de haut par ses adversaires, mais rempli d’envie et avec un brin de réussite, le pays rouge et blanc inscrit lors de ce match, la plus belle ligne de son palmarès. L’Euro 1992 est à ce jour, la seule coupe exposée dans l’armoire à trophées danoise. Une performance que les coéquipiers de Simon Kjær espèrent bien répéter cette semaine. Demi-finalistes, ils ont déjà réalisé la plus belle épopée qu’ait connu le pays depuis cette victoire en Suède.
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