Le capitaine de l’actuel leader de 2.Bundesliga nous a fait le privilège de répondre à nos questions avant l’ultime rencontre du championnat. Bochum, le foot allemand, son intégration, la culture allemande, son futur, Anthony Losilla n’a éludé aucune question. En à peine dix ans, il est devenu une valeur sûre de la 2ème division allemande.
BeFoot : Bonjour Anthony, tu réalises une excellente saison avec le VfL Bochum. A l’aube de la dernière journée de championnat, comment expliques-tu cela ? Est-ce que la montée était un objectif ?
Anthony Losilla : Après la saison réalisée l’an passé où on n’était vraiment pas bon, la montée pas forcément un objectif. Ce qui pouvait laisser entrevoir des jours heureux, c’est le restart après la première vague de Coronavirus où on était la meilleure équipe des neuf derniers matchs, on a enchaîné les bons résultats; puis pour la nouvelle saison, l’équipe est globalement restée la même et on a su créer un véritable esprit d’équipe, une cohésion, cela a été la clef de succès cette saison.
On rajoute à cela la révélation de certains joueurs comme notre 10 Robert Zulj et Simon Zoller qui marquent pas mal de buts (respectivement 14 et 15 buts, auxquels ont peut rajouter 13 et 5 passes décisives), ou encore celles de nos défenseurs centraux Maxim Leitsch (23ans) et Armel Bella-Kotschap (19ans). On peut expliquer cette belle saison aussi par la complémentarité avec mon partenaire Robert Tesche (8 buts, 5 pour Anthony), nous sommes les deux vieux briscards du milieu de terrain, la belle saison de nos deux latéraux sudaméricain Cristian Gamboa (Costarica) et Danilo Soares (Brésil) qui sont défensivement monstrueux et qui offensivement apportent leur touche.
Sur les ailes, on a aussi des flèches, que ce soit Danny Blum, Herbert Bockhorn ou Gerrit Hotlmann. Ce qui a aussi fait notre succès, c’est d’avoir au milieu des joueurs qui aiment le ballon, des joueurs très rapides devant et avec un travailleur devant.
BeFoot : Parmi le top 7, vous avez été l’équipe la plus régulière et une des plus belles à voir…
Anthony Losilla : Dans ce championnat, c’est la régularité qui prime. On n’a pas perdu deux fois d’affilée, ce qui montre un certain état d’esprit, une certaine force.
BeFoot : Sais-tu à quoi va ressembler le VfL Bochum version 2021-22? Vas-tu rester ?
Anthony Losilla : Compliqué de dire ce qu’il va se passer, plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Le Corona a fait mal aux différents clubs. Je ne pense pas qu’ils vont pouvoir recruter beaucoup de joueurs, le club va même peut être devoir vendre des joueurs. On a plusieurs jeunes joueurs qui sont côtés. On a tout de même la chance d’avoir une belle ossature, mais il est sûr qu’il faudra se renforcer car la Bundesliga, c’est un tout autre niveau. Le 11 titulaire a un contrat donc on sera là mais il reste un dernier point à prendre.
BeFoot : Depuis plus de 10 ans, tu évolues en Ligue 2 ou en 2.Bundesliga, serait-ce un rêve qui se concrétise d’évoluer en Bundesliga ?
Anthony Losilla : Pour moi, c’est un rêve qui se réalise. Beaucoup de mes entraîneurs ou de mes coéquipiers m’ont dit « c’est dur de comprendre que tu n’aies pas encore goûter à la Bundesliga, t’aurais du ou pu y aller ». Mais je me dis que chacun fait la carrière qu’il fait, et si je n’y suis pas allé avant, c’est qu’il y a des raisons. Je suis quand même content de ma carrière. Et puis, j’ai la chance, à 35 ans, d’y goûter donc je savoure cette saison, les moments qu’on vit actuellement et peut-être la dernière saison de ma carrière en Bundesliga. C’est fantastique.

BeFoot : Tu dis « la dernière saison de ma carrière en Bundesliga », est-ce-que cela signifie que que tu t’es fixé une date d’arrêt ? Malgré tout, cela fait plus de 10 ans que tu enchaînes les saisons à plus de 30 matchs. On peut se dire que tu en as encore sous le pied.
Anthony Losilla : Dans ma carrière, j’ai eu la chance, et aussi grâce à mon professionnalisme, d’être très peu blessé et puis j’ai toujours eu la confiance de mes entraîneurs qui m’ont beaucoup fait jouer, donc c’est aussi important et de très bien. J’ai dit cette phrase car à la fin de mon contrat j’aurai 36 ans, donc pour les clubs je suis « vieux ». Mon corps est toujours apte à jouer et tant que j’ai du plaisir à jouer au foot, je continuerais. Bien sûr on verra où et comment.
BeFoot : Quelles sont les équipes qui t’on le plus impressionnées cette saison ?
Anthony Losilla : Footballistiquement, Kiel et Greuther Fürth sont deux qui équipes sont très très fortes et il est pour moi logique de retrouver Bochum, Kiel et Greuther devant. Oui, Hamburg a montré durant un temps qu’ils étaient fort, qu’ils avaient beaucoup de qualité, mais quand Simon Terodde (meilleur buteur du HSV) flanche, ils n’ont personne derrière pour reprendre le flambeau. Ils ont montré des difficultés, notamment en interne.
BeFoot : Un mot sur le Holstein Kiel qui réalise une mois de mai époustouflant après leur quarantaine, et qui va enchaîner son 9ème match en un mois ?
Anthony Losilla : Sincèrement, personne ne les attendait là. Personne ne les voyait autant performer, tout les monde les voyait flancher après cette quarantaine mais ils ont tenu.
BeFoot : D’un œil extérieur, nous avons le sentiment que le niveau s’améliore d’année en année et qu’il devient de plus en plus dur de monter et que le moindre coup de moins bien peut coûter cher… Comment juges-tu cela ?
Anthony Losilla : Avant de débarquer en Allemagne, j’ai refusé plusieurs fois car à l’époque, on avait une très mauvaise idée du football allemand, on avait très peu de retour sur celui-ci. Depuis que j’y suis, c’est l’un des meilleurs championnats d’Europe. Je ne pense pas que les équipes de 2.Bundesliga aient quelque chose à envier aux équipes de Championship, par exemple.
Pour comparer avec la Ligue 2, même s’il y a de très bons joueurs individuellement, c’est un championnat beaucoup moins attractif, pour moi. Ici, le jeu est très porté vers l’avant, très beau à voir. Même la 3.Liga progresse d’années en années, de très bons joueurs en sortent et signent en Bundesliga. Dans ces championnats, il y a un vivier de joueurs énormes. Je me régale en 2.Bundesliga, comme tu le dis, il s’améliore chaque année. L’année prochaine, le niveau sera encore plus fort quand tu vois les clubs qui descendent de Bundesliga, ceux qui y sont déjà et ceux qui vont monter…
BeFoot : … dont le Dynamo Dresden, ton ancien club !
Anthony Losilla : Ca me fait énormément plaisir ce retour.

BeFoot : En 2012, tu fais le choix surprenant de quitter Laval pour l’Allemagne de l’Est et le club historique du Dynamo Dresden…
Anthony Losilla : Très longue histoire! Avant de signer, j’ai refusé au moins cinq fois. Je terminais ma deuxième saison lavalloise et il y avait pas mal d’échos comme quoi je pouvais évoluer en Ligue 1. Dresden est venu très tôt avant la fin de saison, j’ai refusé plusieurs fois, Laval voulait me prolonger et j’attendais également avant de signer car je voulais absolument tenter ma chance en première division. Puis, Romain Brégerie, qui est devenu un très bon ami, m’a appelé la veille de la dernière journée de championnat avec Laval (à Clermont, défaite 2-0) pour me parler du club et de la ville. Je commençais à avoir une autre vision, le fait qu’il y ait quelques français, je me disais « pourquoi pas ».
Puis le directeur sportif et le coach (Peter Pacult) m’ont appelé et ils voulaient une réponse le lendemain, impossible de me décider donc je refuse encore une fois. Il faut savoir qu’à l’époque, ma femme était enceinte donc elle jouait forcément un rôle dans ma décision. Je n’ai pas prolongé à Laval, et on décide de partir en vacances et on se décidera là-bas. Le directeur sportif appelle mon agent en disant qu’il voulait me voir dans un hôtel à Nice avec ma femme, j’étais en vacances dans la région, pour me voir une dernière fois. J’amène ma femme et il vient avec des brochures d’hôpitaux, il me présente la ville, le club, des vidéos des fans… je commence à avoir la chaire de poule, et puis aucun club ne s’était autant intéressé à moi jusque là. Ma femme me regarde et me dit « prends ta décision, je te suivrais quoiqu’il arrive » donc j’ai foncé. Le soir-même, ils faxaient le contrat et j’ai signé.
BeFoot : Cela fait 9 ans que tu écumes les terrains de 2.Bundesliga, quelle(s) ambiance(s) t’a ou t’ont marquée(s), en dehors du VfL Bochum ?
Anthony Losilla : L’ambiance à Dresden est fantastique. Sankt Pauli aussi, club très particulier avec une ambiance fantastique comme à la den Alten Försterei de l’Union Berlin. Stuttgart et Köln, quand ils étaient là, c’était aussi incroyable. Hamburg, quand le stade est plein, c’est fantastique.
BeFoot : Quand tu parles de Sankt Pauli ou de l’Union, tu parles de deux clubs vraiment particulier, des clubs de traditions qui représentent le peuple…
Anthony Losilla : On le sent quand on joue là-bas. Ce sont des gens simples qui viennent pour prendre du plaisir et qui donnent de leur personne à chaque fois qu’ils viennent au stade.
BeFoot : Encore aujourd’hui, rares sont les clubs de l’Est évoluant au niveau professionnel (hormis le RB Leizpig en Bundesliga, seuls 6 clubs évoluent au niveau pro), 30 ans après la chute du Mur, as-tu ressenti ce passé ?
Anthony Losilla : A Dresden, c’est vraiment spécial. D’un côté, il y a le Neustadt (nouvelle ville), et de l’autre, il y a l’Altstadt (vieille ville). Le centre historique est vraiment magnifique. Tu as un côté où tout a été un peu rénové, modernisé, c’est très beau; de l’autre côté, on sent l’ancienne Allemagne de l’Est qui est encore présente, où tu vois quelques monuments qui ont été bombardés et qui sont restés un peu tels quels. A Berlin, c’est pareil, ils ont gardé des morceaux du mur où l’Histoire est vraiment très présente. Berlin, c’est vraiment particulier, c’est multiculturel, tu as ses rues bien larges et grandes… c’est vraiment très intéressant. Comme tu le disais, le foot le montre aussi.
BeFoot : En Allemagne, le football n’est pas seulement un sport, il est plus important que ça. Il a, notamment, un impact social et politique… comment le ressens-tu, toi, qui a vécu à l’Est et qui vit, aujourd’hui, à côté de Bonn, l’ancienne capitale de la RFA ?
Anthony Losilla : C’est exactement ça. Les gens vivent le foot, le foot touche toutes les tranches sociales, que ce soit les hauts placés ou la classe populaire. Tout le monde va au stade, tout le monde se déplace en famille pour prendre du plaisir, les gens du peuple sont prêts à plonger dans leurs économies pour s’abonner à leur club de cœur. C’est fantastique l’engouement qu’il y a dans les différents clubs allemands, quand tu compares à la France, c’est le jour et la nuit. C’est un spectacle. Ca a aussi un impact politique quelque part, on a eu le droit de continuer de jouer quand le monde s’arrêtait de travailler parce que je pense que le foot est tellement important que les autorités voulaient laisser cet intérêt comme divertissement aux gens, même si ce n’était qu’à la télévision.
BeFoot : L’Allemagne est aujourd’hui le nouvel eldorado des pépites françaises…
Anthony Losilla : Exactement, beaucoup veulent venir ici maintenant.
BeFoot : Que penses-tu de la culture et de la mentalité allemande?
Anthony Losilla : Quand je suis arrivé en Allemagne, je suis arrivé dans l’Est donc c’était très particulier. Je partais vraiment de zéro dans la langue, car j’ai appris l’espagnol à l’école. On était pas mal de français là-bas donc cela m’a beaucoup aidé pour l’intégration, on était beaucoup ensemble et je n’ai pas trop appris la langue. J’ai plus appris depuis que je suis à Bochum. Dès que tu rentres en Allemagne, ce qui marque c’est le côté carré des allemands, ce n’est pas seulement un a priori. Par exemple, ils traversent pas au vert quand le feu est rouge même s’il n’y pas de voitures à 2km. Je n’ai pas du tout adhéré à la nourriture allemande (sourire)…
BeFoot : … comme beaucoup de français (rires)
Anthony Losilla : … (rire) chez nous c’est quelque chose de très important. On aime bien manger et eux c’est la quantité passe avant la qualité contrairement à nous. J’ai trouvé des gens très ouverts à Bochum, pas de sensation d’insécurité, pas de jugements, la qualité de vie est très présente. Tout me parait plus facile ici. Ne serait-ce qu’au niveau des études où chaque personne peu changer de voie quand il veut, il y a toujours des solutions contrairement à nous en France où on te dit plus « tu perds une année ». Je trouve ça top. Avec ma famille, on a complètement adhérer à ce mode de vie, à cette mentalité.
Ici les gens t’aident naturellement. Cette ouverture des gens me frappe, en tant que français, ça me choque. J’ai déjà eu des étrangers dans mes anciens clubs en France et nous n’avons pas cet esprit là d’aider naturellement. Quand je sors dans la rue, on me reconnaît mais restent discrets. Rares sont les fois où l’approche sera lourde, cela ne va jamais trop loin, je trouve cela très bien.
BeFoot : Et niveau musical et bières ?
Anthony Losilla : Je n’étais pas très fan de bière en arrivant, mais je t’avoue qu’après chaque victoires, on s’en enfile quelques unes. J’aime bien en boire une de temps en temps (rires). Quand tu sors en Allemagne, tu n’as pas besoin d’être spécialement habillé, les gens t’ouvrent leur porte pour que tu prennes du bon temps dans leur bar. Et puis, c’est moins cher. Musicalement, je n’ai pas trop adhéré. Je suis ouvert musicalement, mais je suis très porté muisque populaire ou variété française. Avec l’équipe, on a été au Zelt Festival Ruhr à Bochum, et on a vu Andreas Bourani, c’était plutôt bien.
BeFoot : As-tu penser à un retour en France ? où penses-tu finir ta carrière en Allemagne ?
Anthony Losilla : Je m’imagine finir ma carrière ici. C’est ma septième année à Bochum, j’ai toujours dit que c’était le club idéal pour finir ma carrière. Je ne te cache pas que j’ai eu une touche avec Grasse (National 3) d’où on vient avec ma femme, donc pourquoi pas faire un truc après ma carrière en France. Pourquoi pas rester ici, on aime la qualité de vie, l’environnement. Mais pour raisons familiales, je m’autorise aussi un retour en France. Rien n’est encore fixé, mais il faudra que je tranche un jour. Depuis quelques années, on parle de mon après-carrière avec Bochum. Le club désire continuer avec moi après.

BeFoot : Quels sont tes projets d’après-carrière ?
Anthony Losilla : Je ne me vois pas trop dans les bureaux, je me vois bien coacher des équipes jeunes. J’ai obtenu un diplôme pour entrainer jusqu’en cinquième division française. J’aime bien ce ocntact avec les plus jeunes, les faire progresser, leur partager mon expérience. Recruteur m’interpelle mais il y a des inconvénients familiaux en étant souvent en déplacement. J’ai pas mal d’idées, j’y réfléchis déjà mais je verrais en temps voulu.
BeFoot : Tu as joué à Saint-Etienne, à Cannes, à Laval et au Paris FC, gardes-tu encore un oeil sur eux ? D’ailleurs, tu as joué avec Vincent Demarconnay au PFC, encore là-bas !
Anthony Losilla : Ah oui Vincent, il est encore là, il ne lâche pas! C’est beau ce qu’il fait là-bas, c’est vraiment une belle personne. Nous sommes arrivés ensemble au club. Laval, ca me fait mal de les voir dans cette situation, j’aime bien regarder où en sont mes anciens clubs. Je suis content de ce que fait le PFC, je savais qu’il y avait un potentiel énorme, il suffit de pas grand chose pour passer ce dernier palier pour être le deuxième club de Paris, il en faut un, ça manque! J’ai gardé quelques contacts avec les anciens clubs.
BeFoot : Quel souvenir gardes-tu du Stade Lavallois ? (question d’un supporter)
Anthony Losilla : J’ai un super souvenir du club, il a été mon club tremplin, il m’a fait confiance. C’est un club où je devais signer l’année où je signe au PFC. Club familial, les personnes qui travaillent au club sont bienveillantes.
La rédaction BeFoot remercie Anthony Losilla pour sa disponibilité et lui souhaite le plein de réussite dans la suite de sa carrière.