Le système de saison régulière et play-offs est un fonctionnement typiquement nord-américain et une caractéristique de la MLS. Il peut être critiqué comme accepté par les fans du ballon rond tout comme par les joueurs et le sujet divise. Tandis que certains souhaitent que le championnat majeur américano-canadien évolue et se calque au model européen avec le principe de promotions et relégations, d’autres préfèrent au contraire qu’il reste tel quel, mais cela a aussi ses limites.
Un système rejeté par les propriétaires
En 1996, DC United le club de la capitale américaine devient le premier grand vainqueur de la MLS Cup (finale de la Major League Soccer). S’en suit ensuite deux autres titres nationaux ainsi qu’une CONCACAF Champions League en 1998 et une seule finale perdue en quatre ans. En 2000, le club termine 11ème sur 12 en championnat et donc dernier de sa conférence. Imaginez maintenant le tremblement de terre terrible si suite à l’issue de cette année catastrophique le club était descendu en 2ème division Américaine ? Si la promotion/relégation avait été mise en place à ce moment-là en MLS, cela aurait été une réalité !
Pour ceux qui ne le savent pas, la Major League Soccer repose sur un système de saison régulière entre équipes de la Conférence Est et Ouest amenant un classement final puis à des matchs de play-offs afin de définir la meilleure équipe de la saison. On est donc bien loin du système de montée et descente présent dans tous les championnats européens voir même ailleurs dans le monde.
Alors pourquoi ce système ? Tout simplement car chaque équipe est dirigée par un propriétaire qui paye un droit d’entrée dans la MLS. Et ces droits augmentent de façon spectaculaire d’année en année, franchise après franchise.
Vous comprendrez donc qu’il est impensable de demander à un propriétaire qui a payé 150M$ son droit d’entrée dans le championnat qu’il puisse descendre dans une seconde division qui amène moins de revenus, moins de public (qui n’est pas un grand consommateur de soccer au départ) donc moins de visibilité et d’attractivité sportive au club. Se poserait aussi la question de la redistribution des places pour la CONCACAF Champions League ! Qu’adviendrait-il du Supporter’s Shield (trophée de la meilleure équipe de la saison régulière) et de la place des vainqueurs de chaque conférence ? Et les clubs Canadiens (Toronto FC, Impact Montreal, Vancouver Whitecaps) dans tout ça ? Beaucoup plus de problèmes à gérer que de résolus si cette option de promotion/relégation était mise en place en Major League Soccer.
Sans oublier qu’une seconde division d’accord, mais avec qui ? En USL qui est la division inférieure à la MLS aux Etats-Unis, beaucoup d’équipes servent de réserves pour les équipes du premier niveau. On ne peut donc pas demander à New York Red Bull II, Tacoma Defiance, Real Monarchs ou encore Portland 2 pour ne citer qu’eux de jouer dans un niveau encore inférieur afin de laisser la place à d’autres franchises.
Car le but de cette antichambre à la Major League Soccer est de faire progresser les jeunes (formés ou non) afin de les intégrer aux effectifs de NYRB, Seattle Sounders, Real Salt Lake City et Portland Timbers à un niveau plutôt intéressant pour eux. Il faudra par la suite chambouler tout le paysage hiérarchique du soccer afin de créer de nouvelles divisions inférieures (l’USL League One ?) bref, un gros chantier pour la culture nord-américaine.
Du côté des joueurs, on peut dégager deux tendances concernant ce sujet. J’ai contacté plusieurs joueurs Français évoluant en MLS. Il y en a qui sont pour, et d’autres contre. Ceux qui sont contre sont les joueurs comme Aurélien Collin (Philadelphia Union) qui jouent aux Etats-Unis depuis un moment maintenant (2011).
« On est dans une culture qu’il faut améliorer mais pas changer. C’est sûr que ça a des points négatifs mais aussi positif (le système actuel) et donc c’est pour ça que moi je suis contre aux Etats-Unis qu’on change cette culture, on ne doit pas « européaniser » le football. Il faut que ça reste un football américain avec son identité. »
Aurélien Collin, contacté par téléphone, concernant son point de vue sur la promotion/relégation en MLS.
Mais il y a aussi des joueurs qui sont plutôt pour car évidemment habitués à ce système, la plupart ayant justement évolués Europe.
Tandis qu’on ne se penche pas du tout vers un système de promotions/relégations en #MLS, les joueurs eux ne sont pas du bien tout contre bien au contraire ! https://t.co/mai5H4LDaV
— La MLS en Français 🇺🇸🇨🇦🇫🇷 (@MLS_FRA) June 6, 2020
À l’inverse des propriétaires, les joueurs eux, ne seraient pas contre cette idée !
Mais accepté par les joueurs !
Le mot clé qui revient fréquemment lorsqu’on demande leur avis aux joueurs est « compétitivité ». Ils ont pour la plupart joué en Europe avant de venir et « regrettent » ce changement :
« J’ai toujours connu ça (la promotion/relégation), c’est ce qui met de l’enjeu dans le championnat. Mais ici le fonctionnement est différent. »
Nicolas Benezet (Colorado Rapids) est un habitué du système européen, mais il sait aussi qu’un changement aussi radical est impossible !
Pour Florian Valot joueur de New York Red Bulls, cela donnerai encore plus de dynamisme et de matchs à enjeux dans la Ligue. Même son de cloche pour Jordy Delem des Seattle Sounders ! En contactant Alexy Bosetti qui évoluait alors à El Paso en USL (2ème division américaine), l’attaquant Français lui serait pour pour une toute autre raison :
« Moi je suis en USL donc évidemment que j’aimerais pouvoir monter ! Après le problème c’est que les équipes qui arrivent sont quasiment condamnées à descendre… De plus, tu ne peux pas dire à Austin ou Charlotte qui ont mis une fortune pour entrer en MLS qu’ils peuvent descendre dans la division inférieure ! Ça serait donc intéressant mais impossible. »
Alexy Bosetti a évolué à Oklahoma City Energy et El Paso Locomotive FC en USL entre 2019 et 2020.
La limite est effectivement aussi celle des différences de niveau et… de culture ! Que cela soit en NBA, NHL, MLB ou même NFL, le système de play-offs suivit d’une saison régulière est dans la culture du sport nord-américain et c’est aussi ce qui fait son charme !
Enfin, on voit très bien qu’à de rares exceptions, le niveau des équipes USL comme équipe d’expansions de la MLS est loin d’être aussi bon que les équipes en places. Par exemple :
- Saison 2019 : FC Cincinnati a terminé bon dernier de sa conférence et du classement général.
- En 2017 : Minnesota United finit l’année 9ème sur les 11 équipes de la conférence est (19ème de la Ligue).
- En 2015 : New York City FC et Orlando City SC ont terminés 8ème et 7ème de leur conférence 16ème et 13ème sur 20 équipes engagées.
Les quelques exceptions sont Atlanta United (2017) et Los Angeles FC (2018) qui se sont rapidement acclimatés à la MLS mais ces équipes ont été créées de tout pièce avec un modèle de construction très intelligent.
Avec 30 équipes prévues pour la saison 2023, il est évident que la question d’un changement va très vite être évoquée. Cependant, si la promotion et relégation des franchises est loin d’être à l’ordre du jour, il ne pourrait pas être impossible de voir une 3ème conférence se former à l’avenir après celle à l’Est et l’Ouest. Pourquoi pas une « conférence centrale » ? Mais avec ça, il faudra aussi revoir le système de play-offs tels que nous les connaissons ! En tout cas, le sujet divise, fait parler et au vu du rythme d’évolution de la Major League Soccer on verra d’ici quelques années quels options seront le plus envisagées pour que cela convienne à tout le monde, ou pas.
(Article initialement publié sur derniers.défenseurs.com)