Recrue phare du mercato marseillais, Jonathan Clauss figure aujourd’hui parmi les meilleurs arrières droits français. Mais s’il connaît une ascension fulgurante depuis un an et demi, l’international français (29 ans) a connu avant cela un parcours tortueux et semé d’embûches. Retour sur les grandes lignes qui ont précédé sa signature à l’OM.
Massivement réclamée sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines – à l’instar de sa première sélection en Bleus en mars dernier – la signature de Jonathan Clauss à l’OM a été officialisée par le club phocéen ce mercredi. Un nouveau chapitre noyé dans l’ivresse du bonheur pour cet alsacien et strasbourgeois de naissance, même si avant celui-ci, de nombreux autres et parfois peu reluisants, ont jalonné son histoire.
Un parcours en montagnes russes
Chez les observateurs et les passionnés de ballon rond, le nom de Jonathan Clauss résonne aujourd’hui sans l’ombre d’un doute dans toutes les têtes. De prime abord, son teint hâlé, son large sourire et sa barbe bordant un visage juvénile se manifesteront dans votre esprit. Mais si l’on regarde dans le rétroviseur, le néo-marseillais, qui vit désormais un rêve éveillé, n’a pas toujours été escorté par la réussite.
Né en Alsace à Strasbourg, ce gamin issu de la génération 1992 a démarré le football très tôt dans sa commune d’origine d’Osthoffen. “A l’âge de 2 ans, il avait déjà un ballon aux pieds” racontait sa mère Marie-Claude. À ce moment-là, ce gamin à l’entrain contagieux n’a aucune idée du parcours inspirant qui l’attend. A l’âge de 10 ans, “D’jo” comme le surnomment ses proches, est repéré par le Racing Club de Strasbourg, club phare de la région et encore pensionnaire de Ligue 1 à l’époque. Tout va pour le mieux, Jonathan effectue l’intégralité de sa formation au club, jusqu’à ce qu’une première déconfiture vienne agiter la suite de sa carrière. En 2010, alors qu’il est sur le point de fêter ses 18 printemps, le pur produit strasbourgeois apprend qu’il ne sera pas conservé par le club à l’issue de la saison. “On l’a récupéré en miettes, Jonathan était cassé. Il est retombé à zéro et derrière, il ne voyait aucune issue.” déclarait son grand-père Jean-Luc.
Un modèle de résiliation
En 2015, après un passage de 3 ans en CFA 2 (5e division française) dans un club local, puis une escale outre-rhin en 5e division qui s’avère être un échec cuisant – le club est relégué en 6e division à l’issue de la saison – , “Djoninho” de son sobriquet, entend bien se refaire une santé du côté de Raon l’Etape dans les Vosges, toujours en CFA 2. Cette saison-là, le frêle alsacien alors âgé de 23 ans est conscient que l’eau coule sous les ponts et qu’il devra balayer tous les obstacles pour avoir une ultime chance de “percer”. Cet esprit vindicatif lui permet alors de s’adapter en un clin d’œil à son nouvel écosystème et de devenir la nouvelle coqueluche du club. Une saison réussie durant laquelle son équipe atteint les 32e de finale de Coupe de France face à Saint-Etienne, et où il s’illustre notamment en marquant un but de la tête. À la fin de la saison, Jonathan Clauss a des touches à l’étranger mais opte pour Avranches, club de National (3e division française), une opportunité de tutoyer le monde professionnel.
Cette saison là, l’alsacien continue de creuser son sillon et fait rapidement l’unanimité dans la Manche. Son sens de l’humour potache, sa disposition d’esprit enjouée et son appétit insatiable sont rapidement appréciés au sein du groupe. « Ici tout le monde se souvient de sa personnalité attachante. C’est un travailleur qui a ce petit plus, sa bonne humeur contagieuse, son côté jovial et ambianceur » se rappelle Gilbert Guérin, président de l’US Avranches. Sur le terrain il est irréprochable et ses prestations en Coupe de France atteignent un écho national. Avec son club il atteint une nouvelle fois les 32e de finale de Coupe de France face à Laval, et s’illustre en inscrivant un but sensationnel en solitaire. La vidéo de son but devient virale, génère d’innombrables réactions sur les réseaux sociaux et à la fin de la saison, le droitier d’1m78 est sollicité par de nombreux clubs.
2017, un virage important
Alors qu’il vient d’achever une saison pleinement aboutie, Jonathan Clauss continue son éclosion météorite. Il signe son premier contrat professionnel à l’âge de 24 ans à Quevilly-Rouen en Ligue 2. Contrairement à un Kylian Mbappé, archétype de la précocité et à la trajectoire rectiligne, – il est professionnel depuis l’âge de 16 ans – Jonathan Clauss lui, a dû s’affranchir des limites fixées grâce à sa pugnacité. Cette saison-là encore, le défenseur français parvient à se fondre dans la masse et à se frayer une place dans l’effectif normand. Une escale d’une saison puis un nouveau départ, cette fois en D2 allemande à l’Arminia Bielefeld, où ce boulimique d’entraînement se met rapidement les supporters dans la poche. Il réalise l’une des meilleures saisons de sa carrière et figure comme l’un des artisans majeurs de la montée en Bundesliga (D1 allemande) de son club.
Lens, le tournant majeur
En juillet 2020, Clauss alors âgé de 27 ans, voit le train de la Ligue 1 lui tendre les bras pour la première fois de sa carrière, il saisit la perche et s’engage pour 3 ans avec le RC Lens. Pour sa première saison en Ligue 1, l’alsacien et sa coupe dégradé impeccable font sensation. Il est élu meilleur arrière droit de Ligue 1 à l’issue de la saison et affiche un bilan statistique bien garni pour un joueur à vocation défensive (3 buts, 6 passes décisives). Bis repetita la saison suivante lors de laquelle Clauss confirme dans l’élite, au point de voir ses coéquipiers militer pour le voir en Equipe de France. «Aujourd’hui, de voir qu’il n’est pas appelé… Je pensais qu’après le match de Lyon, il allait être sélectionné et honnêtement j’y crois. On va tout faire pour l’aider à aller en équipe de France” déclarait son coéquipier Seko Fofana en novembre 2021. Mission réussie puisqu’en mars 2022, Clauss était convoqué par Didier Deschamps.
2022, un changement de dimension
Si tout s’est accéléré pour Jonathan Clauss depuis sa signature à Lens, c’est l’année 2022 qui l’a vu entrer dans une dimension parallèle. En mars dernier, le natif de Strasbourg apprenait sa première sélection en Équipe de France. Un épisode chargé émotionnellement pour le joueur de 29 ans, incapable de réaliser sur le moment. « Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles, a-t-il écrit. Tellement heureux, tellement fier d’être bleu. Merci à tous mes coéquipiers, le staff, mes proches et au public sang et or. Avec le travail et la foi, rien n’est impossible. » écrivait-il sur son compte Twitter après l’annonce. Avec en prime des débuts en Bleus … au Vélodrome. Il ne faut pas être égyptologue pour déchiffrer la situation : c’était son destin. “Toujours croire en soi”, avec le temps, l’adage pourrait sembler désuet, mais il n’a jamais semblé aussi vrai.