L’histoire n’est qu’un éternel recommencement. Après une courte victoire au Parc il y a trois semaines (1-0), le PSG s’est écroulé tel un château de cartes en un coup de vent lors du match retour face au Real Madrid (3-1). Encore.
Un coup de vent nommé Benzema, mais qui s’appelait également Demba Ba, Sergi Roberto ou encore Marcus Rashford les saisons précédentes. Une fois la nuit passée et à froid, impossible de continuer à croire en ce projet, ce qui est cocasse pour un club dont la maxime est « Rêvons plus grand ».
En quatre mi-temps face au Real Madrid, le PSG n’en a perdu qu’une. Pas de chance, il a perdu celle qu’il ne fallait pas perdre et, qui plus est, avec la manière. Ce Real méritait-il de se qualifier ? Ce serait mentir que de dire oui en reprenant l’ensemble des 180 minutes. Ce PSG méritait-il de se faire éliminer de la sorte ? Cela serait mentir que de dire non en reprenant seulement 16 minutes de la quatrième mi-temps.
En effet, après avoir outrageusement dominé le match aller (malgré le fait de ne s’être imposé que d’un but), le PSG et ses supporters auraient dû se présenter relativement sereins au Bernabeu. N’importe quel club l’aurait été d’ailleurs. Toutefois, il y a quelque chose de magique dans ce PSG, jamais aussi sûr de ses forces que quand il est le chasseur (coucou Dortmund), jamais aussi sûr de ses faiblesses que quand il est le chassé.
La kryptonite du match retour
Avec son effectif à la limite de la légalité, comment était-il possible de douter en début de saison ? Deux des meilleurs gardiens en activité, une défense composée d’un Marquinhos meilleur année après année, d’un Sergio Ramos qui a tout gagné, de pépites telles que Nuno Mendes et Hakimi, d’un milieu certes en deçà sans être pour autant composé de moins que rien, mais surtout d’un quatuor Messi – Neymar – Mbappé – Di Maria : difficile de faire plus alléchant sur le papier. Et pourtant. Un parcours semé d’embuches en phase de poules de Ligue des Champions, des prestations plus que moyennes en Ligue 1 et une tactique se résumant à « faire la passe à Kylian et attendre que la magie opère » : cela suffisait malgré tout jusque-là.
Arriva alors les huitièmes de finale de Ligue des Champions et une victoire arrachée (mais méritée) au match aller face au Real Madrid. Cette fois-ci c’est la bonne. Le PSG a appris à souffrir, le PSG a compris comment fonctionnent les plus grands clubs, le PSG sait désormais supporter l’orage en attendant l’éclaircie. Cela dit, plus les nouvelles commencent à aller dans le sens du PSG et plus le retour de bâton auquel les supporters sont habitués pointait le bout de son nez. Les supporters et les joueurs se sentaient confiants, trop confiants au vu du passif du club.
À l’annonce d’une potentielle blessure de Mbappé deux jours avant le match retour, c’est tout Paris qui retient son souffle. Finalement, le champion du monde est présent sur la pelouse de son futur jardin, signant même deux buts en première mi-temps, dont un hors-jeu. 0-2 au cumulé à la mi-temps face à un Real pas dangereux pour deux sous, le premier sou étant pour la frappe de Benzema remarquablement sortie par Donnarumma. On notera quand même que ce dernier s’accordait quelques facéties à base de relances courtes dans la surface, comme Marquinhos se permettant une talonnade dans la même zone, talonnade qui n’est déjà pas loin de coûter cher. Cependant, avec ses deux buts d’avance à la mi-temps, le PSG domine cette double confrontation : que peut-il lui arriver ?
Eh bien, c’est le match retour, qui plus est les dernières 45 minutes. On sait, on sent que même si les joueurs sont sereins, il ne suffira que d’un peu de kryptonite pour mettre tous les supermen parisiens en panique. Les souvenirs de Demba Ba, de Sergi Roberto et de Marcus Rashford sont présents dans les têtes de l’effectif, que les joueurs les aient vécus ou non. Ce n’est pas la Covid-19 qui se transmet dans les rangs parisiens mais la MatchRetourPSG, virus exclusif au PSG. L’heure de jeu est passée, le PSG domine (Mbappé aurait pu signer un triplé si le hors-jeu n’existait pas), on entend uniquement les supporters parisiens. Le PSG est calme, beaucoup trop calme et le grain de sable venant dérégler toute l’horlegierie parisienne se prépare à sortir de l’ombre.
Un aller simple pour l’Enfer
Tel Gianluigi Buffon face à Manchester United, c’est Gianluigi Donnarumma qui va offrir le cadeau inespéré auquel commencent à s’habituer les adversaires du PSG en Ligue des Champions. Une mauvaise lecture, une charge de Benzema, un champion d’Europe qui se relève vite et ne joue pas la faute, 1-1, le grain de sable est arrivé. À ce moment-là, les supporters le savent déjà : il en est fini de cette campagne de Ligue des Champions. Trop habitués à cela. Trop habitués aux désillusions. Trop habitués à se mettre dedans tout seuls, comme des grands. Le destin à une nouvelle fois décidé de jouer un mauvais tour au PSG, après lui avoir offert une année de répit l’an dernier (en effet, si Messi marque son pénalty sous les couleurs barcelonaises lors du match retour face au PSG l’an dernier, même avec une victoire 1-4 à l’aller, le PSG se serait sûrement fait éliminer).
Ce but gag mais obligatoire pour tout bon scénario parisien en Europe redonne espoir à un Real au fond du trou et fait taire les supporters parisiens. Alors oui, il pourra être débattu de s’il y a faute ou non, comme on peut débattre de la simulation de Suarez, de la faute de Meunier ou de la main de Kimpembe. Le fait est que la chance se provoque, tout comme la malchance, en atteste la mauvaise transmission de Marquinhos sur le troisième but et le ballon dévié par la cuisse de ce dernier sur le deuxième. Si c’était un autre club, le ballon aurait probablement été dévié hors du but. C’est l’ADN PSG.
Le Real avait promis l’enfer au PSG. Tardant à venir, le PSG a décidé de prendre un billet en première classe pour s’y engouffrer de lui-même. Personne ne se remobilise, personne ne vient rassurer Donnarumma, tous sont désormais concentrés sur la réponse à la question « comment ne pas perdre ? » plutôt que sur la réponse à la question « comment remettre le doute dans l’esprit des Merengues ? ». Ce but met déjà à genoux le PSG, quand un autre club serait resté debout. Paris est outragé, Paris est brisé, Paris est martyrisé, mais Paris ne sera pas libéré. 2-1 puis 3-1 en quelques secondes : en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, le PSG passe du statut de virtuellement qualifié à celui de définitivement éliminé.
À l’instant du troisième but, c’est fini. Tout le monde le sait, même s’il reste du temps : Paris ne reviendra pas. C’est écrit. Paris a déjà utilisé son quota de miracles face à l’Atalanta ainsi que face au Bayern et ne se montre même plus concerné par le match. 3-1, score final. Après le tibia de Demba Ba, la remontada, le come-back, voici désormais la remonzema, permettant au PSG de compléter le triangle des remontées et ce face aux trois clubs les plus connus de la planète.
Ce n’est pas tant l’élimination qui fait mal, mais le scénario. Ce n’est pas le fait de perdre 3-1 au Bernabeu qui fait mal, mais le fait de voir cette équipe se liquéfier au moindre désagrément. Ce n’est pas le fait de perdre qui fait mal, mais le fait de perdre de la sorte. Aujourd’hui, les supporters de Salzbourg, même défaits 7-1 face au Bayern, ont sûrement la tête plus haute que les supporters parisiens. Paris ne sait pas gagner, il ne sait plus perdre normalement non plus et, face à un club comme le Real, le scénario était presque couru d’avance. Il ne suffisait que d’un but au Real pour lui faire se souvenir qu’il n’a pas gagné quatre fois la Ligue des Champions en cinq saisons pour rien. Il ne suffisait que d’un but au PSG pour lui faire se souvenir qu’il n’est pas la risée de l’Europe en Ligue des Champions pour rien. Le poids de l’Histoire en somme.
Paris Sans Grandeur
Dans ces moments-là, il est d’usage de trouver un coupable. Cependant, le PSG n’en est plus à son coup d’essai. Les mêmes erreurs, encore et toujours. Donnarumma ? Même s’il coûte le premier but (et le début du scénario amenant l’élimination), il serait injuste de tout lui mettre sur le dos. Lloris s’est également troué en finale de Coupe du monde. L’équipe de France a-t-elle fini par perdre 5-4 ? Non. Marquinhos ? Il serait également injuste d’en faire le seul coupable, lui qui est si précieux pour le PSG depuis tant d’années. Le milieu de terrain ? Il a livré son match, ni fantastique, ni abyssal. Le trio d’attaque ? On ne jugera ni Neymar, ni Messi : pour les juger, il aurait fallu qu’ils soient présents lors de ces 45 dernières minutes… et Mbappé n’a rien à se reprocher, si ce n’est d’évoluer dans ce PSG. Ce PSG qui, saison après saison, devient de plus en plus prévisible dans son résultat final, de plus en plus imprévisible dans le scénario qui dessine son résultat final.
Sur le cas Mbappé justement, comment le convaincre de prolonger au club, même pour deux ans avec un bon de sortie en fin de saison prochaine ? Comment le PSG va-t-il s’y prendre pour expliquer que, face à un Real en fin de cycle et avec deux buts d’avance, il reste possible de laisser passer une qualification qui semblait acquise ? Et ce en seulement 16 minutes, qui plus est avec la carotte d’une finale au Stade de France ? Comment priver ce joyau, en fin de contrat, de rejoindre le club de ses rêves, dans lequel il sera accueilli comme un roi ? Aujourd’hui, la seule opportunité pour voir l’homme de Bondy prolonger serait un challenge personnel, comme aller chercher le record de buts au PSG. Cela semble toutefois trop peu, alors qu’une qualification aurait pu (et cela reste du conditionnel) instaurer un léger doute dans la tête de Mbappé. Désormais, le doute semble ne plus être permis.
Qui plus est, cette nouvelle humiliation va devoir amener des changements profonds au sein du club. On a toutefois l’impression de redire ça tous les deux ans. Que faire ? Encore aller chercher des légendes vieillissantes pour envoyer de très mauvais signaux au reste du groupe ? Investir 200 millions en plus dans le mercato ? Changer totalement l’organigramme ? Virer tout le monde ? En outre, à force de se faire fesser de la sorte, comment faire pour que le projet parisien puisse séduire des joueurs au top de leur forme ? Faut-il alors se tourner vers les jeunes ou vers des diamants bruts ? Cela sera à Leonardo et à Nasser de régler ces problèmes, à moins qu’ils ne soient justement la cause du problème… Doha risque de faire un peu de ménage car, à force d’échecs lamentables, c’est l’image de l’Émirat qui est entachée. De là à dire que le Qatar se séparera du PSG après la Coupe du monde 2022, il n’y a qu’un pas, qu’on vous laissera franchir.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas tant de la frustration qui accompagne aujourd’hui les supporters parisiens, mais du dépit et de la résignation. Une sensation que cette Ligue des Champions ne sera jamais la propriété du PSG, non pas parce qu’elle ne souhaite pas s’offrir au PSG mais car ce dernier ne semble même pas en vouloir. Le PSG est fait pour porter la dramaturgie du football et montrer que dans ce sport, tout est possible. Se faire éliminer après avoir gagné 3-1, 4-0, 0-2 au match aller ou mener 0-2 après 150 minutes, aucun scénario n’est trop solide pour ne pas être renversé par les adversaires du PSG. Impossible n’est pas français comme dirait l’autre et il est encore moins parisien. Maintenant qu’il ne reste plus rien à jouer pour le club de la capitale, on ne peut toutefois s’empêcher de penser aux enfants supporters du PSG.