Dans les moments les plus compliqués, certaines choses ont le pouvoir de rassembler les hommes. En 1914, alors que le monde est marqué par l’un des pires conflits de son histoire, les fêtes de fin d’année ont marqué une trêve dans les affrontements des troupes. Le jour de Noël de la même-année, britanniques et allemands se sont rejoints sur le « no man’s land », le temps d’une partie de football.
Tout d’abord il faut remonter au 28 juin 1914 pour connaître l’élément déclencheur de ce qui sera la 1ère Guerre Mondiale. Alors que de nombreux pactes sont conclus en Europe, les pays du continent sont très méfiants envers la puissance de leurs voisins et signent des alliances en cas de déclenchement d’une guerre (la Triple-Entente face à la Triple-Alliance).
Et alors que des rivalités politiques, économiques et territoriales existaient déjà en Europe, un élément va donner une tout autre dimension à ces rivalités… l’assassinat de François-Ferdinand. Héritier du trône d’Autriche-Hongrie, lui et sa femme sont victimes d’un attentat le 28 juin 1914 par un Serbe, revendiquant les droits de son pays. À la suite de cet assassinat, l’Empereur d’Autriche bombarde la Serbie, alliée de la Russie et de la France. L’Autriche elle, est alliée de l’Allemagne, le réseau d’alliances étant mis en place, de fils en aiguilles, les affrontements s’étendront entre de nombreux pays.
« Stille Nacht »
Je ne vous apprends rien en vous disant que la 1ère Guerre Mondiale est une guerre de position, qui aura causé près de 10 millions de morts et qui encore aujourd’hui reste l’un des plus important conflit que notre humanité ait connue. Mais un événement de « 14-18″ est encore peu connu du grand public… »la trêve de Noël ». Dans ces tranchées, les journées de millions de soldats rimaient à s’entretuer entre hommes, à survivre dans des conditions médiocres, à voir des amis, des frères succomber. Mais le 25 décembre 1914, le jour de Noël, une trêve va être décidée entre Britanniques et allemands.
À l’origine de celle-ci, des chants de Noël cantonnés par les Fritz (surnom des Allemands) et repris par les Tommies (surnom des Anglais) qui vont donner lieu à un moment de fraternisation en pleine guerre. Comme si l’esprit de Noël avait mené à une paix courte entre les troupes dans la nuit du 24 au 25 décembre qui est inhabituelle, très calme, « Stille Nacht » (nuit silencieuse) comme le disent les Allemands. Au beau matin de Noël, le son infernal des canons se tue et une voix vient briser le silence dans ce vent glacial du mois de décembre, les anglais y répondent en cantonnant eux aussi des chants de Noël.
« Les Allemands chantaient une de leurs chansons, nous une des nôtres, jusqu’à ce que nous entamions « O Come All Ye Faithfull » et que les Allemands reprennent avec nous l’hymne en latin « Adeste Fideles ». Et alors je me suis dit : « Eh bien, c’est vraiment une chose extraordinaire, deux nations chantant le même chant de Noël en pleine guerre » »
– Graham Williams soldat de la London Rifle Brigade –
Un moment de partage
Même si ces actes ont été localisés, et qu’ils ont été visibles dans plusieurs villes, ils ont marqué le souvenir du conflit. Au nord de la frontière franco-belge, à Ploegsteert plus précisément, une scène irréaliste est survenue :
« Le matin de Noël, comme nous avions pratiquement cessé de tirer sur eux, un Allemand a commencé à nous faire signe, et un de nos Tommies est sorti devant notre tranchée et l’a rejoint à mi-chemin où ils se sont salués. Au bout d’un moment, des types de chez nous sont sortis pour retrouver ceux d’en face jusqu’à ce que des centaines d’hommes, littéralement, en provenance des deux côtés, se retrouvent sur le « no man’s land » à se serrer la main, à échanger des cigarettes, du tabac et du chocolat, etc. »
– Oswald Tilley, soldat de la London Rifle Brigade dans une lettre datée du 27 décembre 1914 –
C’est par l’initiative de ce soldat allemand, qui, sans arme et portant un sapin dans sa main, s’avançant vers le front britannique et marquera le début de la « Trêve de Noël ». Les cris et bruits de canons laisseront places pour quelques heures à des moments de partage et de sympathie. Sortis de leurs tranchées, les soldats sont rassemblés par centaines dans le « no man’s land », et c’est dans une étrange ambiance que s’installe l’esprit de Noël.
En ce 25 décembre 1914, Tommies et Fritz décidèrent de ne pas se battre, ainsi les soldats prennent le temps d’enterrer leurs morts, de fraterniser et de s’échanger des petits cadeaux. Quelques lettres de soldats et photographies de l’époque ont permis d’immortaliser ce moment que l’on peut qualifier de surréaliste.
» Nous nous sommes rencontrés, on a échangé des souvenirs avant de se séparer comme de bons amis, un d’entre eux m’a donné son adresse pour que je lui écrive après la guerre, il y’avait un tas de gens bien parmi eux, je suis sur que si cela dépendait que des hommes, il n’y aurait jamais eu de guerre. »
– Déclaration d’un soldat anglais à un ami –
Le football : facteur de la paix
L’un des épisodes les plus marquants de cette fraternisation reste l’organisation d’une partie de football en plein champ de bataille, entre Britannique et allemand. Tout juste 100 ans après, le 11 décembre 2014, l’UEFA a organisé une cérémonie afin de rendre hommage à ce match de football survenu lors de la « trêve de Noël ». Un monument a d’ailleurs était érigé à Ploegsteert en souvenir de cette « rencontre de la paix ». La trêve par le sport, c’est ce qu’incarne aujourd’hui ce monument.
Cette commémoration a été rendue possible par l’illustrateur Bruce Bairnsfather, un soldat et artiste Britannique qui combattant dans la région, a laissé beaucoup de détails sur cette « trêve de Noël ». William Gaillard, Conseiller de Michel Platini, le président de l’UEFA à l’époque, expliquait que l’on dispose de témoignages écrits qui assurent qu’à Comines-Warneton, les soldats des deux camps ont tapé dans un ballon « ou du moins un jeu d’équipe qui s’en rapproche, les allemands pratiquants très peu ce sport au début du 20ème siècle » (RTBF).
« Si vous vous attendez à un match comme la finale de la Coupe d’Europe avec un terrain plat, un bon gazon, des buts avec des dimensions réglementaires, et bien évidemment ce n’est pas un match comme cela. Prenons-le plutôt comme un match bricolé sur un terrain qui n’était pas tout à fait convenable, les gens n’avaient pas de maillot particulier et quant à l’uniforme, il faut savoir que dans les tranchées, on porte n’importe quoi »
– Rémi Cazals –
Dans la région d‘Ypres (Belgique), les soldats Britanniques et allemands ont joué au football et se sont considérés comme des êtres humains les uns les autres le temps de 90 minutes. On raconte que le roi George V (roi du Royaume-Uni) aurait organisé l’envoi de colis au front, avec pour chaque soldat un paquet cadeau contenant du courrier, du chocolat ou des cigarettes, afin de remonter le moral des troupes.
On raconte qu’un des soldats anglais aurait reçu dans son paquetage, un ballon de foot donnant lieux à un match historique face aux Allemands. Ce fameux match de football a été décrit par un lieutenant allemand qui explique dans l’une de ses lettres :
« Nous avons marqué les buts avec nos képis. Les équipes ont été rapidement formées pour un match sur la boue gelée, et les Fritz ont battu les Tommies 3 à 2 ».
Malgré ce témoignage et une lettre d’un soldat britannique retrouvée en 2012, le manque de photographie et de traces historiques mène certains historiens à remettre en cause la véracité de ce match. Certains au contraire approuve ce match de football et y explique même qu’au cours de la guerre, le journal Daily Mirror à invité ses lecteurs à envoyer de l’argent pour pouvoir acheter des ballons et les envoyer aux soldats.
De ce fait, 100 footballeurs professionnels se seraient engagés dans les troupes britanniques. Alors, mythe ou réalité, chacun aura son propre avis, mais aujourd’hui cette histoire est relatée du grand écran (Joyeux Noël , film sorti en 2005) jusqu’aux instances du football en passant par la littérature (The Christmas Match, de Pehr Thermaenius).
Ces « trêves de Noël » seront passées sous silence dans la presse allemande et française, tandis que les Britanniques mettront en lumière dans leurs unes de journaux les clichés de la fraternisation des soldats. Et même si les Tommies et les Fritz étaient les principaux acteurs de ce 25 décembre 1914, les Français ont eux aussi pris part à ces moments de paix dans certaines régions, comme l’atteste le journal des marches et des opérations du 99ème régiment de l’infanterie française.