Dans l’ombre des mégalopoles Américaines où le sport est roi comme à Boston, Philadelphie, New York ou encore Los Angeles, Chicago est la troisième ville la plus peuplée (+2.7 millions d’habitants en 2020) derrière les deux dernières cités et se démarque aussi par sa diversité sportive. Comme le veut la logique, l’équipe de soccer de Chicago Fire SC qui évolue en Major League Soccer est la dernière à arriver dans l’Illinois mais connaîtra une réussite fulgurante avant une retombée sportive progressive dont le club peine à se sortir.
Après la création de la Major League Soccer et sa première saison en 1996, de grandes villes comme Boston, Los Angeles ou encore New York avaient leur équipe de soccer avec New England Revolution, Los Angeles Galaxy et New York/New Jersey MetroStars. Initialement, Chicago devait faire partie des équipes fondatrices de la MLS mais c’est finalement le FC Dallas qui a été sélectionné en 1996.
La réussite de l’expansion
Forcément aux États-Unis, qui dit « mégalopole » dit « sport ». Et lorsque Chicago Fire débarque dans le paysage sportif du pays, Chicago Bulls et Michael Jordan règnent en maîtres incontestés sur le NBA entre 1990 et 2000 (six titres durant cette période). Pour Chicago Blackhawks le succès a été plus épars en NHL vers les années 1930 et 2010 avec six Stanley Cup tandis qu’au baseball (MLB) Chicago Cubs a gagné par trois fois le titre national. Quant à Chicago Bears, ils ont remporté le Superbowl en 1985 mais ce fut leur seul et dernier grand trophée.
L’intérêt pour le soccer naissant dans le pays, la MLS débute donc son expansion avec deux équipes d’expansions du championnat en Floride et dans l’Illinois : Miami Fusion et Chicago Fire SC. L’Illinois étant le 5ème État des États-Unis le plus peuplé dans les années 90 derrière la Californie (Los Angeles), le Texas (Dallas), New York et la Floride (Miami), l’identité des deux villes comme premières nouvelles équipes de la Major League Soccer semblait évidente.
C’est alors la première fois depuis une décennie que Chicago retrouvait une équipe de soccer après Chicago Sting (1974-1988) en NASL. Alors pourquoi l’appellation « Fire » ? En 1871, un très grand incendie a ravagé la ville de Chicago durant trois jours d’octobre faisant plusieurs centaines de victimes et détruisant tout le centre ville. Cette catastrophe était alors l’une des plus importantes dans le pays lors du XIXème et à l’arrivée de l’équipe de soccer pour la MLS, la ville célébrait les 126 ans de cet événement et rendit hommage à ce triste anniversaire en baptisant l’équipe Chicago Fire SC.
En 1998 donc, la franchise débute sa saison inaugurale avec Bob Bradley comme entraîneur. L’Américain connaît alors sa première expérience comme numéro 1 sur un banc après avoir été de nombreuses fois adjoint, notamment aux côtés de Bruce Arena avec qui il réalisera des débuts rêvés en MLS en remportant les deux premières MLS Cup de l’histoire du championnat nord-américain avec DC United en 1996 et 1997. Depuis le début des années 90, le pluriculturalisme n’a cessé de prendre de l’ampleur dans la ville.
Et c’est cet élément que Peter Wilt le fondateur du club a voulu conserver en commençant dès la première année avec des joueurs locaux mais aussi de plusieurs étrangers. « La petite Varsovie » comme elle est surnommée justifie ainsi la présence dès 1998 de trois joueurs polonais dans l’effectif (Piotr Nowak, Jerzy Podbrozny et Roman Kosecki), nationalité qui fera partie des plus représentée dans l’histoire du club et de ceux qui ont disputés le plus de matchs en Major League Soccer.
Entre expérience des joueurs étrangers (Jorge Campos, Piotr Nowak, Luboš Kubík) et les jeunes talents locaux (Chris Armas, Jesse Marsch, C. J. Brown ou encore Zach Thornton) l’alchimie a directement pris pour que l’équipe soit compétitive et devienne la première expansion nord-américaine de l’histoire à gagner le championnat dès sa première saison.
Le fait que Chicago Fire remporte la troisième édition de la MLS Cup était déjà un exploit en soit à l’époque, surtout dès l’année inaugurale. Mais qu’ils le fassent en battant en finale DC United, le double champion en titre, c’est une performance encore plus grande ! Surtout en confirmant leur année historique en réalisant le premier doublé avec l’US Open Cup (la Coupe des États-Unis).
L’année 1998 n’était donc pas belle uniquement pour l’Équipe de France de football mais aussi pour la ville de Chicago avec les titres de champion de Chicago Bulls et Chicago Fire. Et la franchise de MLS a su surfer sur ce succès pour s’offrir une première décennie de titres et bonnes performances avec deux autres MLS Cup perdues (2000 et 2003), trois autres US Open Cup gagnées (2000, 2003 et 2006), un Supporters Shield remporté (2003).
Ils ont même terminé troisième de la Coupe des Champions de la CONCACAF 1999 (ancien nom de la CONCACAF Champions League) en faisant un match nul (2-2) contre DC United. Cette régularité s’explique notamment, comme lors de la saison inaugurale, par la continuité d’un bon mélange entre jeunes joueurs devenus internationaux (Bocanegra, Beasley, Jesse Marsch, Chris Armas) et des plus expérimentés (le ballon d’or 1994 Hristo Stoitchkov, Brian McBride, Ante Razov).Mais après les départs successifs de ces joueurs entre 2003 et 2006, le club peine à se renouveler et tombe dans une spirale négative sportive depuis le début des années 2010.
🏆 [Le saviez-vous ?]
En 2000, Hristo Stoichkov 🇧🇬 devenait le tout premier BALLON D’OR (1994) à évoluer en #MLS à Chicago Fire (2000-2003) ! #CFFC🔙 Le seul autre vainqueur du trophée individuel ultime est à ce jour Kaká 🇧🇷 à #OrlandoCity (2015-2017) en 2007 ! #BallonDor pic.twitter.com/eFmdx3yxjL
— La MLS en Français 🇺🇸🇨🇦🇫🇷 (@MLS_FRA) January 23, 2022
Cette dégringolade sportive, Chicago Fire peut probablement la devoir aussi en partie au nouveau propriétaire Andrew Hauptman qui rachète le club en 2007 à Anschutz Entertainment Group qui possédait alors déjà plusieurs clubs de la Major League Soccer.
Chuter pour mieux se relancer ?
Durant ses premières années à la tête du Fire, le nouvel actionnaire a pu surfer sur la vague de réussite du début des années 2000 lorsqu’il a récupéré le club en 2007 pour 35M$. Mais étant un homme d’affaires avant tout, son but est de faire de ce club un business rentable, ce qui fût au final le cas au détriment des ambitions sportives.
Durant tout le long de son mandat, Andrew Hauptman a œuvré au développement de la MLS et surtout de Chicago Fire en siégeant à différents comités de la Ligue, ça c’est indéniable. Le club a donc déménagé du Soldier Field (qui est aussi le stade de Chicago Bears en NFL) au SeatGeek Stadium (2006-2019) afin qu’il sonne moins creux lors des matchs. Forcément, avec une affluence moyenne de 16.000 spectateurs par match, il est plus dans leur intérêt de jouer dans un stade de 20.000 places plutôt que 61.500. Mais celui-ci n’était pas au centre-ville comme son prédécesseur et sa localisation faisait grincer des dents.
Mais Chicago Fire possédait enfin son stade de soccer. Il a aussi permit le développement du soccer à Chicago à travers de nombreux programmes et événements liés au club grâce à la Chicago Fire Rec Soccer League ou au Chicago Fire Juniors rassemblant au total plus d’un demi-million de personnes de tout âge pour développer le club et l’intérêt du public. Il a aussi dépensé quelques millions de dollars afin de construire le CIBC Fire Pitch. En 2013, le propriétaire a aussi créé et développé l’Académie à Chicago Fire à travers le programme PLAYS (Participate, Learn, Achieve, Youth Soccer) qui consiste à former les jeunes joueurs afin d’en faire (peut-être) des futurs professionnels. Le propriétaire s’en est d’ailleurs montré assez fier :
« Grâce à des programmes comme celui-ci, vous pouvez vraiment voir les possibilités, voir l’impact que nous pouvons avoir en tant qu’organisation et voir ce que le football peut faire pour enrichir la vie des autres. »
Mais toute cette évolution s’est faite au sacrifice d’un manque criant de résultat sportifs de l’équipe qui évolue en MLS. Ses intérêts financiers sont passés devant le sportif à tel point que sa franchise est devenue l’une des pires si ce n’est LA pire de la dernière décennie en ne se qualifiant qu’une seule fois pour les play-offs (alors qu’ils ne les avaient ratés qu’une fois auparavant).
C’est d’ailleurs la première équipe de l’histoire à avoir terminée dernière de la Ligue deux saisons d’affilée en 2015 et 2016. La faute à une instabilité chronique instaurée par le manque de moyens financiers mis dans le marché des transferts et l’enchaînement des entraîneurs (dix depuis 2007, intérimaires compris). Et lorsque la durée moyenne de vie d’un des hommes forts d’un club ne dure pas en moyenne plus de deux saisons, il est difficile de construire quelque chose au niveau sportif.
Lors des dernières années sous l’ère Hauptman, il a quand même tenté de redresser la franchise d’expansion 1998 en réalisant des coups sur le marché des transferts avec des Joueurs Désignés comme Bastian Schweinsteiger, Nemanja Nikolic (2017-2019) ou encore Nicolas Gaitan (2019) pour ne citer qu’eux mais hormis la saison 2017 où ils ont terminé 3ème en se faisant éliminés au premier tour des play-offs, ces tentatives ont été vaines.
Au fil des années, un véritable désamour s’est installé envers le propriétaire qui a amené le mouvement « #HauptmanOut » dans les tribunes du stade allant jusqu’au un bras de fer avec les supporters qui sont alors interdit d’entrée créant un peu plus de tension entre les parties.
En juillet 2018, l’espoir des supporters renaît avec l’annonce du rachat du club (au départ à 49%) par un enfant de Chicago, Joe Mansueto, qui sera finalement totalement propriétaire de Chicago Fire en septembre 2019. L’opération aura coûté au total 400 millions de dollars à l’homme d’affaire en payant 204M$ pour les 51% qui lui manquait pour l’ensemble de l’acquisition. Une coquette somme donc en sachant que le club avait initialement été vendu pour 35M$ !
Le moins que l’on puisse dire c’est que les deux propriétaires sont des opposés vis-à-vis du club. Tandis que l’ancien se concentrait uniquement sur son business personnel, le nouveau est résolument plus proche de ses fans et son environnement.
Il a alors tenté une première fois de réaliser un rebranding complet du club seulement deux mois après son arrivée en changeant le nom (Chicago Fire FC à Chicago Fire SC) et surtout le logo mais ce dernier ayant reçu tellement de critiques négatives, il a été changé après seulement deux saisons. Le nouvel écusson sera alors beaucoup plus à l’image de la ville, de son club de soccer et de son nouveau propriétaire très attaché à son identité :
« En tant que Chicagoien, il était important pour moi que notre nouvelle identité de marque reflète la puissance de l’origine de notre ville. J’ai toujours adoré le nom des Chicago Fire. Je pense aux gens qui ont retroussé leurs manches et se sont engagés à reconstruire ce qui allait devenir une ville de classe mondiale, une ville que ma famille et moi aimons tant. Le nouvel insigne, y compris la couronne de feu, représente cet esprit. »
Après l’identité du club, Mansueto veut d’attaquer au sportif. Car disputer seulement deux premiers tour de play-offs en 12 ans pour un club qui ne les avait raté qu’une seule fois lors des douze premières saison, c’est une anomalie qu’il veut réparer. Lorsqu’on analyse un peu l’effectif qui se dessine petit à petit depuis 2022, il souhaite revenir aux fondamentaux qui ont fait la réussite du Fire lors de ses premières saisons avec de la jeunesse (Gabriel Slonina est assurément le gardien le plus prometteur de sa génération et du pays NDLR), de l’expérience européenne mais aussi interne au championnat (Rafael Czichos et Kacper Przybylko par exemple).
Ce n’est peut-être pas la recette miracle qui marchera comme en 1998, mais le club a en tout cas la volonté de renaître de ses cendres et de redorer le blason (même s’il est différent) d’une équipe en perdition depuis bien trop longtemps.
👀 On va doucement commencer à s’éloigner de la crise sportive à Chicago Fire marqué par le mouvement #HauptmanOut !
👉🏻Nouveau propriétaire en 2019
👉🏻Changement de logo en réponse au mécontentement des fans vis à vis du rebranding
👉🏻L’effectif qui (re)devient interessant #CFFC https://t.co/jV3teO6T4i pic.twitter.com/xFMy70WxYO— La MLS en Français 🇺🇸🇨🇦🇫🇷 (@MLS_FRA) January 27, 2022
En août 2021, Chicago Fire annonce que son propriétaire qui est aussi son président a acheté le FC Lugano, club de Super League qui fait partie de la première division en Suisse depuis 2015. Avec cet acquisition, Mansueto compte ouvertement créer un partenariat entre les deux équipes afin de les faire progresser mutuellement. Le premier joueur à entrer dans le cadre de ce partenariat est l’ailier argentin Ignacio Aliseda, recruté par Chicago en 2020 et transféré à Lugano deux ans plus tard.
A l’image de partenariats entre les clubs MLS et européens comme ceux entre le FC Dallas et le Bayern Munich, le FC Cincinnati et TSG Hoffenheim ou encore Colorado Rapids et Arsenal (les deux derniers étant beaucoup moins utilisés NDLR), Chicago Fire et Lugano va se servir de cette alliance pour se vendre et prêter des joueurs afin de les faire progresser et monter deux équipes compétitives. le but sera à travers la diversité des effectifs des deux clubs de retrouver les sommets chacun de leur côté de l’Atlantique.